“j’aurais voulu voir des histoires.” argh. Mon éternel problème. Parce que qui dit histoire dit éditing de fou. Dit choix drastique. Dit exit plein d’images qui sont bien mais pas assez.
Samedi, j’étais ? l’AG de Freelens, avec avant des confs, des lectures de books, des papotages avec d’autres photographes, des cafés, et après, des bières. C’était chouette.
Donc c’est ce qu’on m’a dit, “très belles images mais j’aurais voulu voir des histoires.” En même temps, je me dis que c’est quand même bien.
Reste le problème des histoires, avec des débuts, des milieux, des fins. Préférablement un de chaque par histoire, on va pas compliquer le bordel. Mais ça m’a fait du bien de montrer mon book, première fois que je fais des lectures comme ça, que j’en parle avec différents pros, photographes ou iconos. Première fois que je dis pas “oui huh uh, faut aller voir sur mon site internet”, toute première fois, c’est dingue quand j’y pense quand même, d’avoir attendu tout ce temps. Enfin bon, on va pas reparler confiance en soi ou de son manque cruel pendant un bon moment, sinon on y est encore après-demain matin et on a tous des trucs plus intéressants à faire que de geindre 107 ans “gné, mes photos sont pas assez bien”. En plus c’est même pas vrai.

Tout ça pour dire, en gros, que je pensais avoir bien refait mon book papier mais qu’en fait, non. Et qu’il faut que je m’en fasse un autre, avec des histoires dedans. Et qu’heureusement que je me suis faite couper les cheveux il y a trois jours, et qu’ils sont donc trop courts pour que je me les arrache. C’est toujours ça de pris.

17 janvier, déjà. Sans voir le temps passer.
Je me laisse bombarder d’images et de news sur Haïti, tous les regards sont braqués là-bas. Pour combien de temps ? Combien de temps va-t-on laisser tourner les caméras sur la ruine avant de les détourner pudiquement de la misère quotidienne ? Tout va rentrer dans l’ordre, les dons seront donnés, les journalistes seront rentrés, les bidonvilles vont se reconstruire, les absurdités économiques seront reproduites, les pauvres resteront pauvres, que veux-tu. Les agences auront leur images et les news arrivées à saturation se tourneront vers d’autres actus chaudes bouillantes. Oh je ne devrais pas faire ma chochotte, si j’avais pu, je serais partie avec deux amis journalistes. Pour combien de temps ? Peut-être une dizaine de jours, le temps à peine d’effleurer une réalité que je ne connais pas dans un pays dont je connais trois fois rien. Et puis s’en va. Je ne devrais pas faire ma chochotte, c’est un métier de couvrir l’actu super chaude, les catastrophes, les guerres, les morts. Et on a besoin de journalistes/photographes pour couvrir ça, pour raconter. Mais ça me laisse quand même un arrière goût de je ne sais quoi, de voir tout le monde converger tout d’un coup vers un caillou laissé à l’abandon le reste du temps. Le monde retient son souffle quelques secondes, c’est l’émotion, envoyez vos dons, et surtout ne demandez pas à vos gouvernements et au FMI quelques éclaircissements sur ce qui se passe depuis 50 ans.
Je ne devrais pas faire ma chochotte, il faut bien raconter le monde tel qu’il est, quand il craque, quand il éructe, quand il saigne.
Mais moi ce qui m’intéresse, c’est de savoir ce qui se passe lorsque les caméas sont détournées, lorsque les envoyés spéciaux sont rentrés. Ce qui m’intéressait au Kosovo, c’était de percevoir les tensions restantes et la vie malgré tout dix ans après la fin de cette guerre dont les médias nous avaient saturés. Mais ça, c’était “intéressant oui, mais”. Point final. Et l’impression tout compte fait que tout le monde s’en tape. Je ne devrais pas faire ma surprise, il y a plus de place pour les morts que pour les vivants dans les médias, c’est comme ça. Et je ne devrais pas faire ma stupide, c’est aussi une question économique : les photographes indés ou d’agence sont plus sûrs de vendre leurs images sensationnalistes de catastrophes ou de guerres. Ce sont elles qui font les doubles dans Newsweek et les covers des quotidiens du monde entier.
Tant que j’y suis, allez donc lire ceci : Like moths to a flame, ça résume très bien ces contradictions et mon ambivalence. Et même l’ambivalence générale de la couverture médiatique d’un événement de ce genre. Lisez tout l’article et même celui-ci A pack of war paparrazi.

17 janvier déjà, et moi et moi et moi. Je ne vois plus le temps passer. Je passe mes journées à tourner de bien chouettes vidéos et à les monter. Le soir, quand je ne suis pas trop crevée, je bosse sur d’autres trucs. Les trucs en retard. Un diapo sonore très chouette qui attend d’être fini et chouine de frustration. Des negs à scanner qui criaillent aussi. Des photos déçues de ne pas avoir fait partie du premier choix qui hurlent aussi bosse-moi ! Mon portfolio qui attend une update et qui commence à s’énerver. Tout ça, ça fait un boucan de tous les diables, alors je mets ma musique encore plus fort, ça couvre le brouhaha environnant pour un temps.

Et puis sinon, si vous passez par Marly le Roi, entre St Germain en Laye et Versailles, par là, arrêtez-vous au Centre Culturel Jean Vilar, j’y expose une douzaine de portraits d’Afrique et autant d’histoires, c’est une expo commune avec mon cousin et un ami à lui et c’est bien beau et c’est jusqu’au 20 février.
Et si vous pouvez pas y aller, vous pouvez quand même acheter le mini catalogue de l’expo par ici.

C’était le bordel ce post, mais on est le 17 janvier déjà et je me sens un peu comme le lapin blanc.

Bon, avec tout ça, mon nouveau job pour le-hiboo (des concerts, des vidéos et encore des concerts et des vidéos) et plein de trucs à côté (dont une expo très très bientôt), j’ai rien trouvé d’intéressant à dire depuis un bon moment, donc je vous renvoie sur le blog de Pierre Morel et sa série d’articles sur le photojournalisme.
C’est très complet, c’est chouette, et ça redonne même du coeur à l’ouvrage, oué oué, tout ça au moins, c’est par là : Et si les photojournalistes étaient les plus aptes à survivre aux mutations des médias

Bonne lecture !

world sound 7 le cap

Puisque je peux à nouveau charger des photos sur mon serveur (une mystérieuse panne m’en a empêché pendant genre 10 jours, trop merci OVH), il est grand temps de faire un pub même pas éhonté pour World Sound 7 et un quatre pages sur Le Cap réalisée par mademoiselle Amélie Cano and myself sous l’éclatante bannière Youpress.
Il y a évidemment une foultitude de bons articles et de belles photos dans tout le mag.

afrique du sud le cap
Long Street, le Cap – 04.09


Al Green – Love and Happiness

En 2001, j’étais sortie de mon école photo depuis un an, mais j’étais pas beaucoup plus avancée. J’avais bouffé tellement de technique et de courbes de sensitométrie que j’étais incapable de faire une image. La spontanéité, l’instant, l’instinct, tout ça c’était passé à la trappe et je n’ai quasi pas touché à un appareil pendant deux ans. Le déclic est revenu lors d’un voyage à New York en 2002, mais c’est une toute autre histoire. En 2001, je n’avais même plus vraiment envie de photo, je voulais avoir 30 ans et des années de reportages derrière moi, histoire de ne surtout pas avoir à faire le chemin mais être direct là où je rêvais d’être.

Si je réfléchis là où j’étais en 2001, c’est suite au lien que Pierre Morel fait tourner, une s?rie d’articles saignants et désabusés sur l’état de la presse française et du photojournalisme en 2001. Et quand on voit son état actuel, 8 ans après, on se demande ce qui a été fait pendant tout ce temps alors que la sonnette d’alarme avait été tirée. Et on réalise que rien, que dalle. Que c’est la même, en pire. Et que comme dit Pierre Madrid, tout le monde aime le photojournalisme, mais pas les photographes. L’article le plus parlant, c’est “le photojournalisme agonise” et bien que ça ne serve à rien de se repencher sur le passé, surtout quand le présent n’est pas spécialement lumineux, ça fait tout de même froid dans le dos. Le reste des articles est édifiant aussi.

En 2001, je n’y connaissais rien, j’étais en fac de cinéma, prête à lâcher la photo pure pour le ciné, tellement j’arrivais plus à faire une image. J’y suis revenue 2-3 ans plus tard, dégoutée par le manque flagrant de moyens de l’université. J’y suis revenue par un concours de circonstances, un truc comme rencontrer la bonne personne au bon moment. En 2009, la situation générale s’est encore détériorée et suit la même courbe descendante et je me demande parfois si je ne devrais pas tout lâcher et faire un job sérieux, pas un métier de saltimbanque. On a beau se dire que la révolution numérique doit être surtout porteuse d’opportunités, de réinvention, et que chialer sur le passé ne sert à rien, quand je vois la vraie gueule d’un passé pas si lointain, j’en veux un peu à ceux qui étaient aux manettes et qui le sont toujours d’ailleurs et qui s’agrippent, et qui n’ont rien fait ou si peu, et qui ne font toujours pas grand chose, à part brailler de temps en temps qu’ils aiment le photojournalisme tout en te claquant la porte au nez quand tu te ramènes avec un sujet original.
Je suis pas amère, je suis pas blasée, au contraire, bizarrement. Fin 2010 j’aurai 30 ans, mais en 2009, au moins, je sais où je veux aller et à peu près comment m’y rendre, en 2009, au moins, je sais à quoi m’attendre.

Sinon, rien à voir (enfin presque), mais mon nouveau site est en ligne, hop : julietterobert.com