…au moment où j’avais envie de rock crasseux, Jimi H. jouait au pied de la statue en bas du Mont-Royal. Coincidence ? I think not.
Jimi Hendrix – Foxy Lady
…au moment où j’avais envie de rock crasseux, Jimi H. jouait au pied de la statue en bas du Mont-Royal. Coincidence ? I think not.
Jimi Hendrix – Foxy Lady
…Les lumières de la ville dansaient un ballet ininterrompu et je savais bien qu’elle ne dormirait pas, alors j’avais laissé New York à ses insomnies et j’étais de retour à Montréal. Là j’avais d’autres repères, presque des habitudes déjà , je connaissais les rues qui montaient le moins et les sens interdits, mon linge séchait au soleil pendant que j’allais faire mes interviews, et je me sentais à nouveau comme une voleuse — j’avais enfin découvert ce que j’avais envie de capturer et d’emporter dans mes bobines de tri-x…
Erland and the Carnival – The Echoing Green
…le feu d’artifice du vendredi soir à Coney Island dessinait des motifs fantomatiques qui s’estompaient au dessus de la promenade, des stands et jusqu’au vieux rollercoaster le Cyclone…
Liam Finn – I’ll Be Lightning
J’ai poussé la porte de l’appartement et je suis rentrée dans le vestibule aux allures de bibliothèque. Il se tenait devant une platine vinyle à l’entrée du salon. Il a sourit : “Tu connais The Coasters ?”
– Non, j’ai répondu, je crois pas.
– Attends, tu vas reconnaître.
La bande-son fifties doo wop a résonné dans l’appartement, et effectivement, j’ai reconnu.
Je suis entrée dans la petite cuisine défraîchie et charmante, où elle m’a accueillie avec un grand sourire : “J’ai fait des pêches cuites, tu en veux ?”
J’ai acquiescé. “Assieds-toi alors, tu vas goûter à ma grande cuisine.” Elle est partie de son rire lumineux. C’était contagieux. Le disque des Coasters tournait toujours. Il est entré dans la cuisine et m’a traduit les paroles, très ironiques. Debout, elle fredonnait en mangeant ses pêches au yaourt. Il s’est fait un milkshake aux fruits en continuant à me traduire les paroles. Puis elle m’a raconté les cassettes des soirées dans leur maison du Vermont impossible à chauffer, où le seul moyen d’avoir un peu de chaleur était de danser. Elle a rit à nouveau en fredonnant Poison Ivy, en dansant un peu, pendant qu’il buvait son milkshake en souriant. Le ventilateur à la fenêtre ronronnait, l’air tiède se mélangeait au souffle de gaité qui semblait les suivre au moindre de leurs mouvements.
Elle s’est éclipsée pour se changer, il est revenu dans la cuisine avec un album de Robert Crumb. On a rigolé en regardant ses dessins de Harlem. Elle est réapparue à la porte, prête à partir.
Assise à la petite table de leur cuisine new-yorkaise, je les ai observés attentivement, un gros sourire accroché aux lèvres, en essayant de ne pas en perdre une miette. J’aurais pu les photographier, elle dans sa robe beige et brune et son sourire infectieux, lui en pantalon de velours et chemise blanche en lin et son humour pince-sans-rire.
Ils étaient drôles, ils étaient beaux, ils s’aimaient, c’étaient mes cousins des Amériques et à cette minute, j’ai eu cette pensée fugace, j’aurais dû les photographier, mais comment capture-t-on la magie ?, et à cet instant, j’ai regretté que ça soit déjà mon dernier jour avec eux.
The Coasters – Poison Ivy
New York, je me rappelais le plafond de Grand Central, mais faut dire que j’avais la tête dans les étoiles de toute façon. New York, j’avais tes deux lions collés aux paupières quand je fermais les yeux, et aussi Battery Park, Brooklyn Bridge et un sieste à Central Park. C’est ta faute New York si j’avais plus le plus important en tête. New York, j’étais même plus sûre que je t’aimais. Oh je savais bien que je te retrouverais avec plaisir. Mais t’aimer ? M’asseoir sur un banc et t’écouter vrombir, et aimer ça ? Mais tu te prenais pour qui, d’abord ? J’ai eu le coeur brisé dans tes rues, j’te signale. New York, tu ne sais pas qu’on ne se remet jamais de son premier amour ?
Non je rigole, bien sûr qu’on s’en remet. Tout comme je me suis remise de toi. C’est juste que je trouve ça drôle de revenir te voir, New York. Et le plus drôle est de ne pas avoir de plan pour ces quelques jours et de tout improviser. Comme si ça pouvait t’impressionner. Mais tu vois New York, je n’ai cette fois pas d’autre idée que de me perdre et de te regarder vivre, de jour, de nuit, et de rencontrer ou de photographier des inconnus. Je n’ai rien préparé, je n’ai pas d’impératifs. Je suis une mauvaise touriste, que veux-tu…
Allez va, fais pas la gueule New York, je fais mon ingrate mais je t’aime quand même. J’aime tes briques rouges, j’aime tes taxis jaunes, j’aime tes clichés à la con. J’aime tes rues et les sourires de tes habitants, j’aime Big Nick’s en bas de là où je crêche, j’aime ton métro, j’aime tes parcs et j’aime tes plages.
New York, qu’y puis-je si tu donnes envie de s’engouffrer dans un de tes taxis pour remonter Broadway jusqu’à la 72e ? Si tes téléphones semblent fait pour le son de mes coins, lorsque j’appellerai n’importe quel numéro et laisserai un message avant de récupérer ma monnaie ? New York, je n’ai même pas de musique pour mes déambulations, la prise jack de mon baladeur est foutue, comme ça, je t’écoute et j’attrape au vol des nuées de bribes de conversations. Mais puisque sans musique, c’est moins marrant, je te laisse avec une Love Song.
J’aimerais bien que tu m’invites à rester quelques temps, New York, mais ça n’arrivera pas, alors on se reverra comme ça, entre deux reportages, on sera city fuck buddy, ça m’ira bien. Ouep, je crois que ça m’ira bien.