Samedi, un attroupement de jeunes ébouriffés, des gamins pour la plupart, qui roulent et qui roulent joint sur joint. Et quand ils ne roulent pas, c’est qu’ils cherchent de quoi rouler. Des mots d’ordre, un peu, dans la marche qui s’ébranle, de la musique surtout, et des gamins qui marchent, qui dansent, et le nuage de fumée dense aussi au dessus d’eux. Arrivés à la Bibliothèque François Mitterrand, ils s’asseyent tous sur les marches, et roulent et fument et rigolent de plus belle. Pas de discours, ils savent tous pourquoi ils sont là. J’ai la tête qui tourne un peu, ça doit être la fumée, l’odeur de l’herbe un peu partout qui plane au-dessus d’eux.

marche mondiale du cannabis 2012 Paris

Dimanche, autre part dans Paris, ça rigole moins déjà, sous les drapeaux bleus à couronne et fleurs de lys jaunes, même si ça chante aussi, des cantiques à Jeanne d’Arc, voilà pour l’ambiance. C’est pas lugubre non, juste un brin pesant. Un défilé avec un service d’ordre de petits jeunes aux cheveux bien dégagés sur les oreilles, placés tous les vingt mètres, bombers and gants de cuir, ah tiens, rangers aussi. Quelques anciens combattants en bon ordre, que j’observe en me demandant s’ils savent que pas loin d’eux, là, y’a un mec qui s’est fait expulser du FN pour un salut nazi. Je croyais que les anciens combattants avaient fait la guerre contre des types qui faisaient le salut nazi. J’ai dû mal comprendre. Le reste du cortège prie Jeanne d’Arc de “sauver la France”, des rouges, des socialistes, des gauchistes, des écolos, des laïcards, des pédés-gouines-trans, des mécréants, des mères célibataires, des centres IVG, des types qui prient d’autres dieux et qui, aussi sûrement que 2 et 2 font 12, vont remplacer tous les clochers par des mosquées — faut que Jeanne d’Arc sauve la France de tous ceux qui sont pas comme eux. Vaste programme. Je repense aux gamins peace & love de la veille. J’ai la tête qui tourne un peu, ça doit être toute cette haine recuite qui plane au dessus d’eux.

défilé Civitas 2012 a Paris

Juste un week-end ordinaire à Paris.

(Galeries complètes ici et là)

Moscou

Elle est petite, Olga, quand elle marche finalement à côté de son mari, un grand type au visage rond, tous les deux emmitouflés, tous les deux qui se regardent, comme s’il n’y avait pas douze caméras et appareils et micros braqués sur eux, tous les deux qui se sourient, comme si on n’existait plus alors qu’on est bien trop près d’eux, à guetter leurs paroles, tous les deux qui espèrent, et quand ils marchent les vingt mètres de parking jusqu’à l’entrée du tribunal, on s’écarte en shootant, en filmant et je vois leurs regards baissés et la main d’Olga, perdue dans celle de son mari.
Elle est petite Olga, quand elle attend par l’autre sortie, celle du côté du tribunal, le verdict est tombé, putain cinq ans, c’est une fille en larmes qui l’a annoncé il y a une heure, en courant à travers les portillons, puis les portes en bois, jusqu’en haut des escaliers, “Piat liet!! Piat liet!!” Depuis on attend, derrière les barrières, les flics ont sorti leurs chiens, des fois que, la porte en fer va s’ouvrir, et Olga, là, au milieu des grands flics, si nombreux, pour rien, elle a l’air tellement petite. Je surprends son regard et déclenche. Plus tard, la porte va s’ouvrir, ils vont l’emmener, son mari, le grand type au visage rond, le bus grillagé est prêt, ça va être rapide, et voilà il sera parti. Olga restera là, avec une rose rouge à la main, au milieu de leurs soutiens, la petite vingtaine de personnes qu’il reste sur la centaine de tout à l’heure, je verrai ses larmes et je m’éloignerai, sans les photographier.

Si Nadine Morano était venue à Bastille, elle aurait entendu et vu des gens de tous âges et origines chanter la Marseillaise et agiter des drapeaux français.

6 mai 2012 à Bastille

6 mai 2012 à Bastille

6 mai 2012 à Bastille

6 mai 2012 à Bastille

6 mai 2012 à Bastille

6 mai 2012 à Bastille

6 mai 2012 à Bastille

Si Nadine Morano avait bougé son gros fion à Bastille, elle aurait vu des dizaines de milliers de français heureux.

Bon débarras.

C’est vrai, c’est paradoxal : à la fois il y a l’envie de faire l’image, propre, cadrée, bien, histoire de ne pas rater le moment, celui que les autres vont avoir, et donc faire la même image que les autres, et à la fois, après avoir raisonné en ces termes, l’envie bien plus forte de justement ne pas faire la même image que les autres. Pas forcément mieux, mais autre. Faire avec les circonstances et là où j’arrive à me placer, et en même temps, rechercher autre chose. Rester. Se détacher. Attendre. Je ne ferai pas nécessairement les mêmes images que les autres, on verra bien…

Nathalie Arthaud lutte ouvriere
Nathalie Arthaud se fait poser un micro, juste avant son meeting. 3 février 2012.

Arlette Laguiller lutte ouvriere
Arlette Laguiller, devant le poster de sa successeure. 3 février 2012.

Toute la galerie par ici

François Hollande farine enfariné enfarinade

(“Et on pouvait lire dans ses yeux toute la tristesse surprise du monde où nous vivons” Gotlib)(Je sais, certains citent Goethe, moi Gotlib) (Toute cette histoire m’a donné une furieuse envie de crêpes…)