Delhi and Hampi, India – Images by Juliette Robert
Delhi and Hampi, India – Images by Juliette Robert
Hampi – dec 2010
Mais je sais pas bien ce que je retiens de l’Inde. Je sais pas bien ce que j’en remporte. Je sais pas bien non plus ce que ça m’a laissé. Je suis là , immobile, un peu paralysée, j’ai mesuré le vide du retour. Après trois mois au Liban, sur les routes de France et un peu partout en Inde et au Cachemire, les autres jours me pèsent, m’achèvent. Il y a les rues de Pahar Ganj, les nombreuses gares, les longues heures de train, les jambes pendantes dans le vide à la porte, à regarder le paysage défiler, un peu cliché, les cheveux emmélés et un sourire au vent ; les routes défoncées pour aller en Uttar Pradesh, les lacets entre Jammu et Srinagar, les rizières au petit matin près d’Hampi, les rencontres et discussions, tout le temps, il y avait tellement et je ne sais pas tout poser comme ça. Je ne sais pas ce que je retiens de l’Inde. Je revois d’innombrables levers et couchers de soleil orangés, je revois un peu de solitude, enfin, sur des rochers au milieu d’une rivière, je revois des montagnes, je revois des visages, la chaleur de poignées de mains, un regard sous un voile, une promesse que je n’ai pas voulu faire. Mais je ne sais pas bien ce que j’en retiens, je ne sais pas bien ce que j’y ai laissé.
Mais je ne sais pas bien si j’ai fait un peu mieux ou bien un peu moins pire. Je revois la rivière vide à Delhi, les berges de cendres et de fumée, les nuées d’oiseaux et les deux barques, je pense au Styx, je revois la rivière à Baramulla au petit matin noyée dans la brume, je revois enfin le soleil se lever sur la rivière d’Hampi et le bain des habitants. J’ai des visions de Chandni Chowk, le marché aux épices qui nous faisait éternuer et nous filait les larmes aux yeux, les pauses pour boire un tchai sur le bord des trottoirs. J’ai surtout des impressions qui me collent aux yeux de ne plus savoir comment cadrer, comme savoir déclencher au milieu de la foule, capter des mouvements incessants, les visages, les tourbillons de vie.
Mais je sais que j’ai aimé. Peut-être pas chaque seconde, peut-être pas chaque minute ou chaque heure. Même si je n’ai pas une image préférée, une seule à retenir qui serait la plus précieuse à mes yeux, c’est une somme de petits pas et de grands riens. Mais je sais que j’ai aimé. Suffisamment pour n’avoir aucun regret.
Je pourrais dire que j’ai très envie d’y retourner, je pourrais dire qu’il faut que je revois le Cachemire et que j’y passe du temps et ça serait vrai. Pourtant, en y pensant, il n’y a pas ce creux en dedans, l’intérieur qui se tord imperceptiblement, ce souffle qui me manque, ce battement de cÅ“ur qui s’échappe, une fraction de seconde, un reste d’adrénaline, un rien, ce rien à l’idée de retourner en Afrique de l’ouest dans une semaine. C’est comme à a.
Je me suis promis d’essayer. Au moins d’essayer. De penser autant à mes ici qu’à mes là -bas. Je ne te dis pas que c’est facile. Mais ailleurs, j’ai aussi appris à ne pas avoir peur.
Mademoiselle K – Me taire te plaire
Je rigole pas, j’arrive vraiment demain matin à New Delhi. Genre 7h, heure locale. Et après une escale sur le chemin, du côté d’Helsinki. Logique quoi.
Bref, ça a encore été le grand n’importe quoi, mais c’est la vie. A Helsinki, il faut nuit et il y une tempête de neige, demain matin, il fera beau et 20° et je serai en Inde, accessoirement. Le truc de fou, un peu. D’ailleurs j’en reviens tellement pas que je suis obligée de dire à quel point j’en reviens pas et que c’est n’importe quoi et tout. L’avantage, c’est que je suis pas stressée. ça, c’était avant, jusqu’à genre hier soir. Mais les trucs me tombent dessus comme ça, faut s’y faire. Tiens, aujourd’hui, j’ai quatre photos dans un supplément du Figaro. Mi-décembre, j’ai un bon sujet dans Femme Actuelle. Et puis encore plein de trucs à venir, dont un super projet avec ma nouvelle cousine. Je dis nouvelle, ça parait bizarre mais genre un jour, bon voilà c’est comme d’hab, et le lendemain, t’as une nouvelle cousine chanteuse avec qui délirer et qui t’embarque, hop, pouf, dans un projet artistique barré, sexy et super intéressant. Donc voilà quoi, des fois c’est marrant la vie.
Tout ça pour dire qu’en fait, les veilles de départs se ressemblent, mon sac est rôdé, c’est drôle. Y’a que les aéroports qui changent, et encore… ils sont toujours plein d’une excitation feutrée et pourtant, vaguement déprimants.
Je n’imagine rien de ce trip, tout ce que je sais, c’est que je dois faire 6 kodachromes là -bas, les 6 dernières de ma vie. C’est Joachim qui me les a filées parce qu’il faut qu’elles soient développées avec le 30 décembre, aux Etats-Unis et tout. Donc c’est mon challenge. Donc le petit canonet QL 17 a rempilé. On verra, ça devrait être marrant. P’tet que je devrais vendre ces toutes dernières Kodachromes d’Inde dans leurs petits caches en carton, à prix d’or, cela va de soi. Ou alors, j’en ferai un abat-jour. Ou alors, je les scannerai, une demi-douzaine de gens les verront sur mon site et mon blog, et elles moisiront dans une boite en carton et dans le vide sidéral de l’interwebs. Va savoir. Ouais, voilà , t’es comme moi, tu sais rien. Juste que la vie est belle.