J’étais en train de faire une sélection de photos de reportages tout à l’heure quand je me suis posée une bonne question (ne jamais perdre une bonne occasion de procrastiner, telle est ma devise) : est-ce que certaines de mes retouches sont pas un peu too much ? Est-ce qu’il vaut mieux que je montre une interprétation ou une photo aussi peu bossée que possible ? Pourtant, j’en fais pas des masses de retouches en couleur.

ça m’a fait repenser au débat autour des retouches avec photoshop, lancé par le jury d’un prix photo au Danemark, qui avait demandé à un photographe de montrer les fichiers RAW (bruts) et les photos finales, pour juger s’il avait triché ou si c’était acceptable.

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capetown

Elle est postée à l’angle de Upper Leeuwen et de Buitengracht, adossée à un muret avec des sacs en plastique à ses pieds. Je la vois sans la regarder, mon attention captée par la rue pavée devant moi et ses maisons de toutes les couleurs qui marquent l’entrée dans le quartier de Bo-Kaap. Il fait moche, gris larmoyant, gris chiant et j’ai pas une miette d’inspiration, alors des maisons de couleur, c’est toujours ça. Elle m’aborde quand je passe devant elle, le nez en l’air, à rechercher des angles et des cadrages.
– Hello, tu vas monter par-là ?
Elle montre Upper Leeuwen d’un coup de menton.
– Oui oui.
– Je peux te donner un conseil ?
– Oui bien sûr.
Je la regarde à ce moment-là je crois. Une petite femme sans âge, indienne ou métis ou les deux, emballée dans un sweat-shirt gris trop grand et une jupe noire sale.
– Fais attention à toi si tu vas par là. T’es une touriste ?
– Non, je suis photographe, je vais photographier le quartier, les maisons colorées…
– Ah… Journaliste, c’est bien ça. écoute fais vraiment attention, va pas trop loin.
Je regarde la rue quasi déserte qui a l’air de monter jusqu’au pied de Signal Hill, il y a juste quelques passants et un touriste qui prend des photos.
– Ah bon, ça craint par ici ?

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cape point lighthouse south africa

d’abord le crachin persistant qui stoppe quand on sort de la voiture, et puis direct, la sensation que peut-être bien on risque de s’envoler si on fait pas trop attention. des bourrasques salées plein la figure et les cheveux, on se regarde en rigolant fort pour couvrir le mugissement du vent. “alors, on y est là ?”
8h et demi au Cap de Bonne Espérance par un temps pourri, la meilleure garantie d’être seules au bout du monde. On est parties à 7h du Cap comme on part en aventure, comme on s’offre une escapade interdite. Quatre gosses émerveillées qui se marrent en se faisant gifler par les embruns. les nuages bas nous laissent voir pas beaucoup plus loin que les vagues et les oiseaux sur les rochers devant mais on se dit que ça valait drôlement le coup de venir. “alors, on y est quoi !”
un escalier escarpé qu’on monte en faisant bien gaffe toujours de pas s’envoler, en haut sur les rochers ça souffle, ça siffle, ça rafale, je suis bien, c’est con, à me remplir de vent à pleine goulées, à pleines gorgées, à m’en exploser les poumons.
Derrière les rochers plus loin, le phare de Cape Point, je guette sa lumière qui perce le ciel foncé par intermittence. derrière nous, des collines couvertes d’arbustes d’un vert si vif qu’il fait presque mal aux yeux. On doit crier pour se faire entendre alors finalement, on dit plus grand chose mais on se regarde sourire aux lèvres et on comprend.
on amorce la descente mais je remonte sur une autre pointe rocheuse. si je me laisse déraciner là, si je fais pas bien attention de pas déployer mes ailes complètement, est-ce que j’atterris direct en Antarctique ? Vertige imaginaire, je n’ai pas le vertige, je n’ai pas ce réflexe. Il y a un rocher qui ressemble à un rhinocéros, la pierre est patinée sous l’effet des milliers de visiteurs qui avaient envie de voir ce bout du monde. Il n’y a rien à voir, c’est le plus drôle. Juste à imaginer. Et à sentir le vent. Et l’ivresse, réelle.
il a bien fallu redescendre et le crachin a repris, attaque de gouttelettes en formation serrée portées par les rafales.
Dans la voiture soudain à l’abri, tout est silencieux. La pluie fine se transforme en lourde averse quand on reprend la route. Je jette un oeil au dépliant du parc naturel : “Fermez les fenêtres et ne nourrissez pas les babouins, ils sont dangereux.”
Et pas un mot pour dire qu’il vaut mieux avoir du sable dans les poches si on ne veut pas être emporté par le vent, ailleurs, encore plus loin.


Schubert – Impromptu en La