Mon karma a décidé de pêter un plomb ces dernières semaines, donc il me colle un effet de balancier, style j’essaie de monter deux projets super pour cet automne et des contacts se mettent en place, et bim, j’ai plus de job alimentaire juste avant l’été. Juste après, j’apprends que je pars à Montréal quelques jours pour les Francofolies début août. Et quelques jours plus tard, mon disque dur principal fait tak tak tak je suis grillé et faudra payer un bras et tes yeux pour essayer de récupérer tes données. Et aujourd’hui, j’apprends qu’on m’envoie à Londres faire une session de couv’.
Mais nawak quoi ! EH OH C’EST PAS UN PEU FINI CES CONNERIES HEIN ? Genre j’ai que ça à foutre de plus avoir de PC et de perdre trois sessions à boucler pour un mag pour pour fin août. Genre j’ai trop de temps et j’adore refaire encore tous mes books, CV et tout pour démarcher. Style je suis tellement pleine au as que je sais plus comment dépenser ma thune.
Là j’attends le retour de bâton rapport à la couv’, je sais pas ce qui peut encore m’arriver de pire. Que mon mac craque son slip aussi (déjà que la batterie est foutue…). Que je me fasse voler Lulu (aka leica) voire Simone (aka 20D). Que je me prenne la foudre demain au mariage de mon cousin et que ça ruine mes fringues de snob rauque & raule. Que je choppe la grippe mexicaine la veille du départ à Montréal…

Et pourtant, au milieu de ce bordel inextricable, je reçois des vieux numéros de Private, et je me dis que s’il me reste un peu de trucs beaux à apprécier, tout n’est pas fondamentalement perdu et que ça ira, oué.

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Grizzly Bear – Two Weeks

Il y a des nuits comme ça après lesquelles il faut bien que je me souvienne que ce qui me coupe vraiment le souffle, c’est plutôt une série de belles photos, que ce qui me fait vraiment tripper, c’est plutôt un bon bouquin passionnant (au hasard, Dinner with Mugabe que j’ai presque fini, arg), que ce qui m’explose vraiment les neurones, c’est plutôt d’être en reportage et d’oublier tout le reste.

Est-ce que je remplis enfin les critères pour être une bonne sociopathe ? Si oui, est-ce que ça se soigne ? En demandant gentiment ? Sivouplé ?

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Blur – Girls & Boys

On prenait un brunch l’autre jour à Boboland rue de Bretagne, avec ma mère et mes frères & soeur. Moi j’aurais préféré un petit resto de quartier sans chichis, avec petit dej sucré-salé abordable et des petites tables, histoire d’être tranquille. En fait, j’aurais voulu un brunch dans un diner new-yorkais sur Amsterdam Avenue, toute snob que je suis. Là non, grande table en terrasse au milieu d’un marché bio, style c’est bien connu, on adore profiter des conversations des voisins ou leur dire « passe-moi le sel » avec le premier café, on va faire trop potes avec eux en discutant le bout de gras équitable sans cholestérol ou en leur demandant des nouvelles de théo/hugo/mattéo/enzo.

C’est dans ces cas-là que j’aime bien aborder les sujets qui fâchent ou dire des conneries et ça tombe bien vu que mes frères aussi. Pour rester dans l’actu, j’ai juste eu à lâcher, « Arthus Bertrand est un gros hypocrite et un éco-tartuffe » pour m’attirer quelques regards scandalisés de nos voisins et des sourires de mes frangins.
Of course, c’est que je le pense. Sans être entièrement de mauvaise foi comme Daniel de Almeida de Fluctuat qui donne 10 excellentes raisons de ne pas aimer YAB, je dois avouer que ce type me gonfle profondément. Ce mec et sa fondation ont gagné des fortunes avec La Terre Vue du Ciel et tous ses produits dérivés (3 millions d’exemplaires rien que du bouquin quand même) et ben il fait quand même financer son film par le mastodonte super écolo PPR, qui ne fait rien d’autre ici que se racheter une bonne conscience à pas trop de frais, et distribuer par Europacorp, une petite boîte de prod indé qui ne fait que des films de qualité, écolos aussi et pas du tout racoleurs, hin hin hin.
Bref, quand je vois ces noms et toutes les marques de luxe s’afficher à l’écran, j’ai déjà la nausée avant même d’avoir entendu le commentaire sirupeux et lénifiant du docu.

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important shot

Argl. Démasquée.

D’autres trucs marrants, notamment sur la photo HDR sur Photographer’s math, d’après le génial concept de New Math.

D’un autre côté, il suffit que j’aille me balader sur Flickr pour reprendre un chouille confiance — en moi. Ah la magie de l’interwebs… Y’a des trucs bien, n’empêche, sur Flickr, mais j’ai pas l’énergie de chercher, c’est trop le bordel. C’est trop navrant aussi depuis que Getty y a mis sont nez. Et y’a aussi des photographes d’agences prestigieuses, style au pif, VII, qui font leurs photos au brownie flash : http://www.viiphoto.com/showstory.php?nID=851, mais comme je suis influençable et moutonnière, les photos au Holga m’horripilent sur Flickr et me ravissent chez VII. Va comprendre, Charles.

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Il faut que je trouve les mots pour éconduire galamment un jeune padawan, qui en des termes fort bien choisis (« professionnelle accomplie », « professionnel chevronné et talentueux ») me demande d’être mon apprenti (« un disciple ? ») pour sa formation. C’est vachement tentant quand même de devenir une professionnelle chevronnée et talentueuse comme ça. C’est pas le premier de ce genre que je reçois, ni le dernier probablement, mais c’est le premier qui me fait sourire ironiquement. J’hésite presque à le renvoyer sur mon post d’hier, pour rire et si j’ai de la chance pour le dégoûter un peu du métier et lui faire faire des études de droit. Ou d’expert comptable. ça fera toujours un crevard crève la dalle comme moi, ahem, chômeur de moins. Je pourrais contribuer moi aussi à mon petit niveau à faire reculer le chômage. Le gouvernement devrait me remercier tiens, non mais sans blagues.

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Bon, non c’est pas vrai, je ne réponds jamais de conneries aux jeunes padawans qui m’écrivent, quand bien même je leur proposerais bien des stages d’esclaves pour cataloguer mes archives et reclasser mes negs. J’arrive pas à leur dire que c’est le plus hum métier du monde quand même. Parce que ouais, y’a toujours la bonne image qui te pète aux yeux quand tu t’y attends le moins, alors le reste…

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Et y’a toujours aussi le reportage que tu finis et dont t’es bien fier et les contacts que tu vas chercher et les gens que tu retrouves, bref, plein de gens à voir pour leur montrer ton boulot, content comme un gosse qui montre son pot à ses parents. Et les rédac chefs qui te répondent avec plein de pincettes et de sous-entendus, ahem c’est gentil, mais on n’a pas le droit de parler aux inconnus, allez voir là-bas si j’y suis, les grands travaillent là, hein.

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Pour le Kosovo, on avait ciblé hebdos, on avait des pistes, des ah oui c’est intéressant, tenez-nous au courant, montrez-nous tout ça. qui se sont transformés en ah oui c’est toujours intéressant mais personne n’en parle, donc ben nous non plus. On est comme ça nous, aussi suivistes que les copains. On avait ciblé hebdos donc photos couleurs, bonne qualité, belles couleurs, de la vie et des cadrages assez conventionnels. Forcément, quand on a finit, en désespoir de cause, par le montrer à un mag plus exigeant avec de la photo d’auteur, ça n’allait pas. J’aurais d? faire du noir et blanc flou et contrasté d’entrée de jeu tiens, ou du moyen format. J’aurais eu moins de regrets.

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C’est comme ça, les rédactions ne produisent plus, elles se contentent de consommer, c’est tranquille et sans risques. En payant le moins possible, of course. Et va pas croire que tu pourras demander une participation aux frais, ils te regarderont comme si t’étais un crypto-bolchevik, couteau entre les dents et bave aux lèvres, réclamant ton dû en sang patronal. Les rédactions papier tournent en boucle avec les mêmes photos d’agences, les rédac web font les vautours sur flickr, tout le monde croit que la licence Creative Commons = fête du slip généralisée et on te propose une misère pour des projets ambitieux faits à l’autre bout du monde, un truc qui paierait même pas le billet d’avion aller d’un clandestin en soute, style « tiens petite, tu t’achèteras des pistaches ». C’est vrai qu’une vidéo Youtube est forcément meilleure, vu qu’elle est gratuite. Le web est vu comme un sous genre, avec des sous journalistes et ce sont les stagiaires qu’on envoie avec une mini DV pourrie pour tourner des reportages dont le son mal pris et les images tremblotantes donnent la migraine. C’est le web, les internautes, ces cons, n’y verront que du feu, hahaha.

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Quoi ? Les am?ricains inventent des modèles pour des projets multimédias sur internet ? Ils font des trucs de plus de 3 minutes ? Mais ils sont fous ou quoi ? Ils savent pas que les internautes ont la manie du clic et qu’ils s’en foutent de la qualité ?? Et ça marche ? Mais vous nagez en plein délire. Quoi ? C’est la télé et le CNC qui produisent des webdocus de qualité ? La télé et le CNC financent du journalisme sur le web ?? Et ça marche ? Mais vous pensez bien, nous on préfère montrer de la vidéo qui buzze, ça fait du clic et des visites pour pas un rond, ça fait briller les yeux des annonceurs, on n’est pas con non plus hein, vous croyez quoi ?!
Je préfère pas dire combien paie le site d’un quotidien français, après je vais m’énerver et mon chat devra me remettre ma camisole et personne n’a vraiment envie de ça.

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Pendant ce temps, à Soweto, le boss d’une petite ONG qu’on avait suivie et qui fait un boulot de terrain indispensable avec pas grand chose, nous écrit et nous dit qu’il aimerait bien nous faire revenir couvrir un peu plus ce qu’ils font, des trucs vagues et sans importance comme un orphelinat pour gosses séropos dans un des coins les plus pauvres et les plus craignos du township. Il va sans doute falloir qu’on lui réponde qu’on aimerait bien oui parce qu’on avait vraiment manqué de temps la dernière fois, mais que ça risque de pas intéresser grand monde ici Lulu. A moins que ça soit Nachtwey ou l’agence VU qui le fasse. Des pauvres, malades et noirs qui crèvent dans leurs cabanes en tôle, ça a déjà été fait coco, trouve moi un sujet original et exceptionnel et laisse les grands travailler en attendant.
Et encore, c’est le SIDA, pour le palu c’est bien pire (1.5 ? 3 millions de morts/an, 3 à 500 millions d’infections/an), mais les maladies de pauvres n’intéressent personne.

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Mais non je suis pas cynique, j’aime bien dire des conneries, c’est tout.

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On ira quand même, si on peut, sur nos sous à nous s’il le faut, parce que ce sont des histoires qui doivent être racontées. C’est comme ça.