Il y a une tonne de trucs bien dans le fait de bosser dans un collectif de journalistes, et dans le mien en particulier, vu qu’on n’arrête pas de planifier des trips un peu partout, et un de ces trucs est d’avoir l’opportunité de bosser vraiment ensemble : rédacteur(s)/photographe. ça me permet d’illustrer des sujet et des articles et outre le fait que ça fait quelques menue monnaie, c’est une bonne expérience et ça fait des publis.
Le bémol de faire de la photo d’illustration et d’avoir des moyens très limités donc de devoir rentabiliser, c’est que ça donne rarement des reportages vraiment complets. Je veux dire vraiment. Les photos peuvent être supaires et youpi, ça change pas le fond du problème : j’ai des petits reportages, des petites histoires qui s’accumulent. Une sur Central Church à Johannesburg, et puis une sur une ONG qui soutient les malades du SIDA dans un des quartiers les plus craignos de Soweto, et puis une sur les Goranis au Kosovo (bon là c’est juste que tout le monde s’en fout des problèmes du Kosovo), et puis une sur l’Isicathamiya dans les hostels de Joburg, et puis une sur les traditions vaudou au Bénin (bon là c’est parce que c’était spé comme conditions). Et au final je ne sais pas quoi en faire de toutes ces images. C’est trop ci, c’est pas assez ça, c’est le bordel.

Je me suis dit que j’allais aller démarcher Sipa, comme ça, book sous le bras. Et puis un photographe que j’ai rencontré m’a parlé de ses hésitations à signer avec eux, au vu de leur pourcentage. J’ai pensé à Eyedea/Gamma et puis j’ai comme l’impression que c’est moyen le moment. J’ai pensé à Vu, VII et Magnum mais je ne voudrais pas entrer dans un club qui accepterait quelqu’un comme moi comme membre (bon non c’est pas vrai mais merci Groucho quand même). Je suis tombée sur les sites de plein d’autres agences, françaises ou internationales et au moment de prendre mon courage à trois mains, t’avais une des petites voix dans ma tête qui me disait que ouais bon, j’étais bien mignonne mais qu’avec mes petits reportages, j’allais pas aller loin.
Bref, à quel saint se vouer, gné ? Quand on est une photojournaliste qui débute dans ce monde là (oué ok, ça fait 5 ans que je suis publiée, mais tout juste 18 mois que je commence à faire autre chose que de la musique) et qui aimerait quand m?me que ses bonnes photos arrêtent de roupiller ?

Je suis allée voir du côté de CitizenSide et j’ai pas du tout eu envie, parce que je me considère un tout petit peu comme pro. Et que même si certaines photos sont reprises par l’AFP, ça me gaverait d’être considérée comme amateur. C’est pas pour dire du mal des amateurs hein. Et puis p’tet bien que mes images valent mieux que ça.

Donc je teste Demotix. Ayé, vous pouvez gueuler que je dis du mal de Citizenside pour aller sur Demotix, qui est au fond, basé sur le même principe. A quelques différences majeures près.
– Citizenside se définit comme une agence d’amateurs, Demotix est aussi tourné vers les jeunes ou moins jeunes pros. Et les amateurs of course.
– Perso, je trouve que Demotix encourage plus la qualité et justement, l’histoire, pas que les one shots et considère aussi que les photographes qui postent savent faire des photos.
– Il y a franchement des belles photos sur Demotix, sur citizenside, moué…
– La qualité j’y reviens, et une certaine exigence de professionnalisme me semblent plus présentes sur Demotix mais bon… je me fais ptet des idées.
– le site. Franchement, je trouve celui de Demotix super bien foutu et bien présenté par rapport à l’autre.
– En fait, je mens, je suis allée voir Citizenside après être tombée sur Demotix, pour voir.

Bref, là je teste. Je ne sais absolument pas si c’est intelligent ou pas, si c’est valorisant ou pas, si ça va faire un peu de visibilité sur mon travail ou pas, si ça va me permettre de vendre des images ou pas.
Déjà dans les points positifs, on peut choisir si les images sont exclusives ou non exclusives (sur citizenside, c’est 3 mois d’exclu obligatoires). Le corollaire négatif en découlant est que j’ai beau chercher une case à cocher, nenni !
Dans les points positifs : il faut être précis et factuel dans la description du reportage. Point négatif : on ne peut pas légender les images une par une ou importer des IPTC. C’est p’tet prévu, j’ai envoyé un mail.
Point positif : le reportage est validé (ou pas), donc c’est pas non plus la fête du slip, théoriquement. Point négatif : on ne peut pas ajouter d’images à un reportage validé, arf.
Point positif : une demi-heure après avoir été validé, mon reportage est en home. Pas mal.

Je pense que je vais encore en mettre deux ou trois d’ici une semaine et puis si c’est la gloire et la fortune, je vous tiens au courant. Si c’est le bronx, je vous tiens au courant aussi.
Reste à savoir s’il vaut mieux avoir l’impression que ses photos sont chouettes parce que dans une agence plus amateur, ou l’impression que ses photos sont juste ok parce que dans une agence de photographes super balèzes. Ben j’en sais rien non plus, je suis pas toute seule dans ma tête en ce moment.


M.I.A. – Paper Planes

*bon après ça et le post sur Tuer le père, j’ai plus qu’à inclure le fils quelque part ou un truc comme ça.

Bon, c’est indéniable, l’avantage avec la cessation de paiement et redressement judiciaire d’Eyedea Presse (dont Gamma), c’est qu’on parle un peu de photojournalisme et même pas pendant Visa pour l’Image. évidemment, c’est aussi un bon prétexte pour être nostalgique, sortez flonflons zet mouchoirs et allons-y pour ENCORE une rétrospective ou des articles où on va ENCORE parler des mêmes photos célèbres, archi-revues, des mêmes photographes qui ont fait l’histoire ou je sais pas quoi. Alors que je sais pas si vous avez remarqué, mais les photographes salariés de Gamma qui se retrouvent à moitié sur le carreau, on connait pas beaucoup leurs noms. Ils disent juste “14 photographes salariés”. hop voilà, emballez c’est pesé. Oh le Figaro a bien fait un mini diaporama de 5 photos “gracieusement” offertes par le photographe. Ben voyons. ça a p’tet pas dû lui suffir que Gamma fonde les plombs, y’en a qui sont maso quand même.
Enfin…
Peut-être que ça veut juste dire qu’il est grand temps de tuer le père. Parce que par exemple, aux états-unis, ils ont Mediastorm, ils ont le NY Times qui investit dans du contenu original. En Angleterre, ils ont Demotix qui essaie un truc avec une philosophie intéressante. Ils essaient des trucs quoi.
Nous là on a quoi ? Le fig qui se fait offrir des photos et une éééénième expo Cartier-Bresson. Je rigole pas. C’est au Musée d’Art Moderne en ce moment à Paris. On dirait qu’en France on n’est bon qu’à se regarder le nombril avec nos bôôôs photographes qui “sont rentrés dans l’histoire”, voire carrément à se palucher devant Cartier-Bresson, alors que, comme d’hab, la presse paie que dalle pour produire des bons reportages. Mais arrêtez de nous saouler avec HCB quoi ! On sait, c’est “l’oeil du siècle” (sic), on sait qu’on est tous borgnes, mais merde à la fin.
Je vais faire une confidence lèse-majesté, j’ai jamais aimé HCB et ses photos. ça m’a jamais touché. peut-être parce qu’il visait un genre de perfection, ô mythe de “l’instant décisif” et que ça m’a toujours paru froid, un peu clinique. Et puis le mythe du grantomme, révéré, adulé, ça me gave. C’est chiant. Moi je préfère un Depardon, qui met ses tripes sur la table. Qui fait des bouquins style Errance, qui avoue ses failles et qui avance avec. Je préfère le photojournalisme actuel, largement. Qui raconte juste des histoires et ne prend pas les lecteurs de haut.
Alors quand on en aura fini avec les rétrospectives à la con du best of des meilleures photos d’HCB qui n’ont été exposées que 591 fois et publiées 39574 fois, on pourra p’tet avancer !

Oh j’exagère un chouille, après tout, on a bien l’oeil Public ou Tendance Floue pour relever un peu tout ça. N’empêche. L’hypocrisie de la presse finit par faire mal. Comme à Visa pour l’Image où tout le monde s’extasie dans la presse sur le bien beau photojournalisme actuel (très bien, je suis pour) alors que le reste de l’année, on envoie les journalistes qui ont du talent et de bonnes idées, non pas sur le terrain les réaliser, mais en gros, se faire foutre. Et on les paie au lance-pierre aussi, tant qu’à faire. Faudrait pas qu’ils puissent vivre de leurs photos, comme par exemple, ooooh incroyable, dans les années 70 dont tout le monde est tellement nostalgique.
Et le PDG d’Eyedea d’en rajouter une couche dans Lib? “On a tué le photojournalisme français en obligeant les agences à salarier les pigistes” Faudra demander au fantôme de Françoise Demulder ce qu’elle en pense, elle qui est morte d’un cancer dans la misère parce que son agence lui avait jamais fourni de couverture sociale. On peut bien s’extasier sur le fait qu’elle ait été la première femme à avoir un WorldPress, ça doit lui faire une drôle de belle jambe là où elle est. Donc en gros, s’ils avaient été bien précaires comme les petits copains, c’est sûr que ça aurait été vachement mieux.
Pas sûr que le photojournalisme s’en serait mieux porté hein, mais après tout, qui s’en soucie encore vraiment ?
Allez, achevons le père et allons-y, on a juste notre futur à inventer.