world sound 5

Allez, une fois n’est pas coutume, un peu de pub pour un des mags pour lesquels je bosse régulièrement. Mais dans ce numéro là, outre les habituels portraits et photos de concerts, il y a un reportage qu’on a fait au Jeppe Hostel de Johannesburg, sur l’Isicathamyia (choeurs zoulous a cappella).
En kiosques mi-juillet. ça devrait être bien beau comme il faut (tout le mag est bien beau d’ailleurs).

Pour continuer avec les polémiques photographiques récentes, j’ai regardé hier l’émission d’Arrêt sur Images sur le bidonnage d’un reportage étudiant primé par Paris Match et le débat que ça soulevé.
Résumé de l’affaire par là, en accès gratuit.
(l’émission est là mais c’est payant)

Déjà le discours et le débat soulevé par les étudiants est intéressant, on apprend en plus dans l’émission que ce n’est pas particulièrement Paris Match qu’ils voulaient piéger mais plutôt montrer les rouages du discours médiatique et comment la presse est friande d’images qui répondent à certains codes. D’ailleurs, je crois que vu les images, ils auraient pu piéger n’importe quel hebdo qui aurait fait ce genre de concours, elles ne sont pas si racoleuses que ça, ils auraient pu faire bien pire. Par contre, j’avoue ne pas comprendre le déferlement assez haineux envers Paris Match. Je suis pas franchement adepte de ce mag, trop people et oui, trop racoleur aussi parfois. Mais dans certains numéros que j’ai pu feuilleter, il y avait aussi de bons reportages et de bonnes photos. Je sais pas si la presse qui se soucie un tout petit peu de photojournalisme se porte tellement bien qu’on doive rejeter en bloc des mags qui paient encore un peu pour des reportages essentiellement photos.

L’autre point des étudiants était je crois de montrer qu’on ne fait qu’interpréter la réalité, qu’on bidonne son reportage ou qu’on soit honnête et qu’au final, il est très difficile de dire la différence. L’émission essaie assez moyennement d’établir ces limites, entre la réalité interprétée par une mise en scène et le réel interprété sans recréation. Finalement, il n’y a que le photoreporter Patrick Robert sur le plateau qui est vraiment contre l’initiative des étudiants, parce que oui, ça porte le doute sur toutes les photos qu’on voit et ça décrédibilise une profession qui n’avait pas franchement besoin de ça.

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J’étais en train de faire une sélection de photos de reportages tout à l’heure quand je me suis posée une bonne question (ne jamais perdre une bonne occasion de procrastiner, telle est ma devise) : est-ce que certaines de mes retouches sont pas un peu too much ? Est-ce qu’il vaut mieux que je montre une interprétation ou une photo aussi peu bossée que possible ? Pourtant, j’en fais pas des masses de retouches en couleur.

ça m’a fait repenser au débat autour des retouches avec photoshop, lancé par le jury d’un prix photo au Danemark, qui avait demandé à un photographe de montrer les fichiers RAW (bruts) et les photos finales, pour juger s’il avait triché ou si c’était acceptable.

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D’un autre côté, il suffit que j’aille me balader sur Flickr pour reprendre un chouille confiance — en moi. Ah la magie de l’interwebs… Y’a des trucs bien, n’empêche, sur Flickr, mais j’ai pas l’énergie de chercher, c’est trop le bordel. C’est trop navrant aussi depuis que Getty y a mis sont nez. Et y’a aussi des photographes d’agences prestigieuses, style au pif, VII, qui font leurs photos au brownie flash : http://www.viiphoto.com/showstory.php?nID=851, mais comme je suis influençable et moutonnière, les photos au Holga m’horripilent sur Flickr et me ravissent chez VII. Va comprendre, Charles.

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Il faut que je trouve les mots pour éconduire galamment un jeune padawan, qui en des termes fort bien choisis (“professionnelle accomplie”, “professionnel chevronné et talentueux”) me demande d’être mon apprenti (“un disciple ?”) pour sa formation. C’est vachement tentant quand même de devenir une professionnelle chevronnée et talentueuse comme ça. C’est pas le premier de ce genre que je reçois, ni le dernier probablement, mais c’est le premier qui me fait sourire ironiquement. J’hésite presque à le renvoyer sur mon post d’hier, pour rire et si j’ai de la chance pour le dégoûter un peu du métier et lui faire faire des études de droit. Ou d’expert comptable. ça fera toujours un crevard crève la dalle comme moi, ahem, chômeur de moins. Je pourrais contribuer moi aussi à mon petit niveau à faire reculer le chômage. Le gouvernement devrait me remercier tiens, non mais sans blagues.

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Bon, non c’est pas vrai, je ne réponds jamais de conneries aux jeunes padawans qui m’écrivent, quand bien même je leur proposerais bien des stages d’esclaves pour cataloguer mes archives et reclasser mes negs. J’arrive pas à leur dire que c’est le plus hum métier du monde quand même. Parce que ouais, y’a toujours la bonne image qui te pète aux yeux quand tu t’y attends le moins, alors le reste…

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Et y’a toujours aussi le reportage que tu finis et dont t’es bien fier et les contacts que tu vas chercher et les gens que tu retrouves, bref, plein de gens à voir pour leur montrer ton boulot, content comme un gosse qui montre son pot à ses parents. Et les rédac chefs qui te répondent avec plein de pincettes et de sous-entendus, ahem c’est gentil, mais on n’a pas le droit de parler aux inconnus, allez voir là-bas si j’y suis, les grands travaillent là, hein.

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Pour le Kosovo, on avait ciblé hebdos, on avait des pistes, des ah oui c’est intéressant, tenez-nous au courant, montrez-nous tout ça. qui se sont transformés en ah oui c’est toujours intéressant mais personne n’en parle, donc ben nous non plus. On est comme ça nous, aussi suivistes que les copains. On avait ciblé hebdos donc photos couleurs, bonne qualité, belles couleurs, de la vie et des cadrages assez conventionnels. Forcément, quand on a finit, en désespoir de cause, par le montrer à un mag plus exigeant avec de la photo d’auteur, ça n’allait pas. J’aurais d? faire du noir et blanc flou et contrasté d’entrée de jeu tiens, ou du moyen format. J’aurais eu moins de regrets.

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C’est comme ça, les rédactions ne produisent plus, elles se contentent de consommer, c’est tranquille et sans risques. En payant le moins possible, of course. Et va pas croire que tu pourras demander une participation aux frais, ils te regarderont comme si t’étais un crypto-bolchevik, couteau entre les dents et bave aux lèvres, réclamant ton dû en sang patronal. Les rédactions papier tournent en boucle avec les mêmes photos d’agences, les rédac web font les vautours sur flickr, tout le monde croit que la licence Creative Commons = fête du slip généralisée et on te propose une misère pour des projets ambitieux faits à l’autre bout du monde, un truc qui paierait même pas le billet d’avion aller d’un clandestin en soute, style “tiens petite, tu t’achèteras des pistaches”. C’est vrai qu’une vidéo Youtube est forcément meilleure, vu qu’elle est gratuite. Le web est vu comme un sous genre, avec des sous journalistes et ce sont les stagiaires qu’on envoie avec une mini DV pourrie pour tourner des reportages dont le son mal pris et les images tremblotantes donnent la migraine. C’est le web, les internautes, ces cons, n’y verront que du feu, hahaha.

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Quoi ? Les am?ricains inventent des modèles pour des projets multimédias sur internet ? Ils font des trucs de plus de 3 minutes ? Mais ils sont fous ou quoi ? Ils savent pas que les internautes ont la manie du clic et qu’ils s’en foutent de la qualité ?? Et ça marche ? Mais vous nagez en plein délire. Quoi ? C’est la télé et le CNC qui produisent des webdocus de qualité ? La télé et le CNC financent du journalisme sur le web ?? Et ça marche ? Mais vous pensez bien, nous on préfère montrer de la vidéo qui buzze, ça fait du clic et des visites pour pas un rond, ça fait briller les yeux des annonceurs, on n’est pas con non plus hein, vous croyez quoi ?!
Je préfère pas dire combien paie le site d’un quotidien français, après je vais m’énerver et mon chat devra me remettre ma camisole et personne n’a vraiment envie de ça.

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Pendant ce temps, à Soweto, le boss d’une petite ONG qu’on avait suivie et qui fait un boulot de terrain indispensable avec pas grand chose, nous écrit et nous dit qu’il aimerait bien nous faire revenir couvrir un peu plus ce qu’ils font, des trucs vagues et sans importance comme un orphelinat pour gosses séropos dans un des coins les plus pauvres et les plus craignos du township. Il va sans doute falloir qu’on lui réponde qu’on aimerait bien oui parce qu’on avait vraiment manqué de temps la dernière fois, mais que ça risque de pas intéresser grand monde ici Lulu. A moins que ça soit Nachtwey ou l’agence VU qui le fasse. Des pauvres, malades et noirs qui crèvent dans leurs cabanes en tôle, ça a déjà été fait coco, trouve moi un sujet original et exceptionnel et laisse les grands travailler en attendant.
Et encore, c’est le SIDA, pour le palu c’est bien pire (1.5 ? 3 millions de morts/an, 3 à 500 millions d’infections/an), mais les maladies de pauvres n’intéressent personne.

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Mais non je suis pas cynique, j’aime bien dire des conneries, c’est tout.

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On ira quand même, si on peut, sur nos sous à nous s’il le faut, parce que ce sont des histoires qui doivent être racontées. C’est comme ça.

Comme une boule d’angoisse au creux de l’estomac, à force de tourner en rond, ça se noue en tourbillons là-dedans. Trop de compromis pour pas beaucoup de résultats et un vieux sentiment de gâchis. Je rigolais en disant que j’avais quasi pas fait de noir et blanc en Afrique du Sud ou au Kosovo récemment, mais je rigolais jaune. Le fait est que j’ai pas voulu choisir alors j’ai mal choisi et ça me bouffe. Mais reste le doute que même si j’avais dégainé mon leica plus souvent, j’aurais sans doute pas fait mieux, même en faisant différent. Quoique. J’aurais quand même voulu faire différent. ça et avoir du temps au lieu de partir dans tous les sens parce que merde, faut rentabiliser et que j’ai pas les moyens de faire autrement. Pas fait assez, pas fait assez bien. Ni fait ni à faire quoi. Je suis arrivée là où je suis, pas très loin quoi, en regardant les photos dans des bouquins ou des magazines et tout le reste c’est du feeling, deux temps trois mouvements vu qu’il n’y a jamais le temps, pas de pause, pas de poses non plus, et hop. J’ai jamais contacté ou rencontré les photographes qui me font baver, j’ai pas refait de formation par manque de moyens, j’ai surnagé dans mon coin en lisant du Depardon. L’écriture d’un reportage, le regard, l’identité, les images que j’ai dans la tête, tout ça j’essaie d’apprendre sur le tas, en faisant comme je peux sans arriver à inventer. Mais c’est tellement loin d’être assez.
Alors je bute sur mes limites et pour la première fois depuis 10 ans, je me dis merde, et si c’était vraiment mes limites ? Pas genre un palier à franchir, pas d’excuses à la con de manque de temps ou de manque d’argent, pas de fausses raisons de cible, pas de tergiversations style j’ai pas su choisir mais la prochaine fois je saurais, non, boum, la limite, le mur quoi. Et l’angoisse face à la hauteur, au manque de prises et d’entraînement. Oh je pourrais rester de ce côté, c’est pas trop difficile, plutôt tranquille même à défaut de me faire bander. Sauf que c’est la grimpette qui me fait tripper et moi, je suis pas assez.

Un jour, ma mère m’a écrit ça :
“If parents do the right thing, they have to teach you that a dream has to be more than a dream, it has to be about getting up in the morning and staying late, accepting that you’re not good at the beginning but that you’ll get better, and giving yourself the right to get better.”
C’était il y 10 ans.

benin atogo vaudou
Une vodounsi d’Atogo – 01.09

Bon allez, celle-là je l’aime bien même si elle est pas… ahem… faudrait que j’apprenne à avoir le cuir plus dur quand je me fait bouler des rédactions ou je vais me bouffer tout cru et j’aurais plus qu’à changer de métier et je serais bien attrapée.