tu sais, les journ?es que tu vis en ce moment, je les connais. je les ai d?j? v?cues. dit comme ?a, ?a aurait presque l’air paternaliste. blas? m?me. mais tu sais bien que non. je ne minimise pas l’importance et l’attrait si particulier que tu en attendais, mais oui, je les connais tes journ?es, je les ai d?j? v?cues.
je les ai imagin?es en d?tails, avec pr?cision, histoire d’?tre s?re d’?tre surprise ? chaque fois, histoire que rien ne colle jamais tout ? fait avec toutes les visions que j’en avais cogit?es. les yeux ecarquill?s et pourtant une douce assurance, celle-l? m?me qui va de paire avec les petits tressautements d’appr?hension, d’impatience aussi. enfin je me disais. enfin j’y suis, la r?ussite de mes missions ne d?pendant quasiment plus que de moi. l’ing?rable doit se g?rer, l’impossible doit devenir r?alisable, et pourtant, tu ne cries pas victoire trop t?t. je connais aussi l’amertume de la deception, je l’ai imagin?e ? chaque instant.
mais il y a de plus petites victoires, celles que tu portes seule en toi, celles que tu ne diras pas sauf dans un sourire, pour donner la mesure de ce que tu as appris et ce qu’il te reste ? apprendre. de tout ce qui te parait un pas ?norme, tu vas bient?t rire, le temps qu’il te faudra pour prendre encore un risque de plus, un risque plus important, cette mise en danger permanente que tu recherches en ?quilibriste apprenant sa ma?trise du vertige, ses limites aussi.
mais tu sais appr?cier les journ?es qui d?s la premi?re minute vont ?tre difficiles, pas que ce soit toi qui partes battue d’avance pour ne jamais ?tre d??ue, mais quand il est annonc? clairement qu’il va falloir jouer serr?, tout en finesse, qu’il y aura s?rement plus de pas possible que de tout est permis, c’est l? que tu sais qu’il faut tirer parti sans profiter, ajuster le tir pour mieux le corriger, ?tre poids plume en s’imposant au bon moment, difficile d’?tre invisible et omnipr?sente.
ta r?compense ? je ne te parle pas de r?compense, tu la trouveras dans ce que tu voudras si tu en veux vraiment une, mais moi je crois qu’il n’y en a pas. faire ce qu’on attend de toi n’appelle rien d’autre que ton salaire, le faire bien c’est le minimum, le faire mieux que ?a, c’est une autre affaire qui ne regarde que toi. je suis chiante ? d?merde toi. je connais tes journ?es, je sais ce que tu vis et je te connais parfois jusqu’au bout des doigts.
et maintenant, va te coucher, t’as du boulot demain et ton hyperconscience a aussi besoin de repos, crois moi.