On prenait un brunch l’autre jour à Boboland rue de Bretagne, avec ma mère et mes frères & soeur. Moi j’aurais préféré un petit resto de quartier sans chichis, avec petit dej sucré-salé abordable et des petites tables, histoire d’être tranquille. En fait, j’aurais voulu un brunch dans un diner new-yorkais sur Amsterdam Avenue, toute snob que je suis. Là non, grande table en terrasse au milieu d’un marché bio, style c’est bien connu, on adore profiter des conversations des voisins ou leur dire “passe-moi le sel” avec le premier café, on va faire trop potes avec eux en discutant le bout de gras équitable sans cholestérol ou en leur demandant des nouvelles de théo/hugo/mattéo/enzo.
C’est dans ces cas-là que j’aime bien aborder les sujets qui fâchent ou dire des conneries et ça tombe bien vu que mes frères aussi. Pour rester dans l’actu, j’ai juste eu à lâcher, “Arthus Bertrand est un gros hypocrite et un éco-tartuffe” pour m’attirer quelques regards scandalisés de nos voisins et des sourires de mes frangins.
Of course, c’est que je le pense. Sans être entièrement de mauvaise foi comme Daniel de Almeida de Fluctuat qui donne 10 excellentes raisons de ne pas aimer YAB, je dois avouer que ce type me gonfle profondément. Ce mec et sa fondation ont gagné des fortunes avec La Terre Vue du Ciel et tous ses produits dérivés (3 millions d’exemplaires rien que du bouquin quand même) et ben il fait quand même financer son film par le mastodonte super écolo PPR, qui ne fait rien d’autre ici que se racheter une bonne conscience à pas trop de frais, et distribuer par Europacorp, une petite boîte de prod indé qui ne fait que des films de qualité, écolos aussi et pas du tout racoleurs, hin hin hin.
Bref, quand je vois ces noms et toutes les marques de luxe s’afficher à l’écran, j’ai déjà la nausée avant même d’avoir entendu le commentaire sirupeux et lénifiant du docu.
Ensuite, un peu comme Fluctuat, les gens qui aiment tout le monde et ne veulent que leur bien et que tout le monde DOIT aimer, ça me fait vaguement flipper. Il y a des trucs pas clairs inavoués derrière les “c’est pour votre/ton bien, je ne veux que votre/ton bonheur.” Mais bien sûr. Surtout quand derrière, on te dit en substance “c’est TA faute, tu fais parfois couler l’eau du robinet en te brossant les dents”. Ouais ouais ouais, et les films de Besson avec grosses explosions et carnages de voitures, c’est mieux peut-être ? Et l’empreinte écologique de ton hélico, c’est pour de rire ? Ah non, t’as “racheté” l’équivalent carbone, encore un magnifique tour de passe-passe. Et les énormes campagnes du pub de PPR pour qu’on achète ses produits, ça encourage à la décroissance peut-être ? Et les licenciements d’employés sous-payés de ce même groupe de philanthropes, ça va aider Monique qui était caissière à conforama à acheter du bio qui coûte un bras ? ah mais pasdutoutpasdutouuuut, c’est pour la bonne cause hein, la fin justifie les moyens, t’vois ? Et puis on refuse a-bso-lu-ment de faire de l’écologie politique, pas déconner à la fin.
Faut surtout pas dire que l’écologie, c’est quand même vachement un truc pour ceux qui ont les moyens. Les pauvres qui se demandent comment nourrir leur famille, ils sont bien contents de faire manger un peu de viande à leurs gosses et doivent pas trop se poser la question “tiens, est-ce que les pays industrialisés ne mangeraient pas trop de viande, des fois ?”. Sauf qu’à force de ne dire que “chacun fait un petit truc à son niveau” — ce qui n’est pas mal — on oublie surtout soigneusement les causes de ce qui est dénoncé dans le film, et on se garde bien de critiquer voire remettre en cause le système économique qui a engendré ça.
C’est un film diffusé mondialement, alors qu’on sait bien que la population occidentale qui surconsomme est largement minoritaire dans le monde. On a vraiment beau jeu d’aller moraliser la planète, sans rien changer au fond du problème, parce que c’est la crise mon brave et qu’on a fait le grenelle de l’environnement non ? alors qu’est-ce qu’on vient nous reprocher !
“Décide de ce que tu veux faire de la planète”, oui enfin sauf que la poignée qui pourrait vraiment décider a surtout décidé de s’agripper au pouvoir ou s’en mettre plein les fouilles tant qu’il est encore temps ou les deux.
En plus de ça, le côté “mazette comme c’est joli et chatoyant un bidonville vu du ciel avec toute cette tôle colorée” de ses photos me tape sur le système. On peut pas tout rendre agréable à l’oeil, on peut pas tout rendre beau (enfin si, la preuve), mais c’est un choix, histoire qu’on reste bien tranquille dans nos fauteuils et surtout qu’on soit pas trop choqué par la misère effective et la violence de ces mêmes bidonvilles. Et oui, l’humain est comme ça, si tu veux vraiment le faire réagir, il faut lui mettre le nez dans sa merde.
YAB, c’est de la photo de calendrier, de fond d’écran, c’est bien consensuel, c’est le degré zéro de la photo engagée. Je ne suis pas (tout le temps) cynique, mais dire “ouééé, tout le monde doit être frère et coupaing sur cette belle terre”, ça me parait d’une naïveté atterrante. Parce que si tous les gars du monde voulaient se donner la main ben… plus personne pourrait prendre de photos pour dépeindre le monde tel qu’il est et non tel que fantasmé du haut d’un hélico. Et non, il est pas toujours beau, le monde.
Bon alors c’est vrai, l’intro didactique sur le monde qu’il est beau, l’eau qu’elle est la vie, la photosynthèse qu’elle est indispensable, tout ça, c’est plutôt sympa et joli. Est-ce que ça valait 12 millions d’euros ?
Et pour couper court à tout vieux reste de mauvaise foi, je trouve ça bien qu’il ait prononcé le mot “décroissance” dans un JT à une heure de grande écoute. Bon, Pinault est juste pas du tout du même avis, puisque lui parle de “consommer mieux”. Notez la fourberie du truc, style “continuez de dépenser vos sousous chez nous, mais on s’arrangera pour faire des produit presque écolos pour que vous ayiez pas trop mauvaise conscience. Et accessoirement, on continuera à s’en mettre plein les poches. On polluera un tout petit peu moins pour continuer à polluer beaucoup plus longtemps. On dit merci qui ?”
Bref, pour finir, si vous en avez marre de la terre vue du ciel et de cette fausse beauté dégoulinante, essayez les photos d’Alex McLean, un photographe américain qui survole son pays depuis 30 ans et prend aussi des photos. Sauf que. Lui montre l’absurdité des constructions humaines, de la surconsommation, de l’outrance du système économique, lui ne fait pas dans le joli livre pour table basse, il fait dans le graphique assez terrifiant, c’est sublimement flippant.
Ah et l’émssion de Mermet Là -bas si J’y Suis sur ce sujet est tout simplement fabuleuse.
Ouais pis son film, c’est juste une pub colossale pour Ken Burns …
hahaha, c’est trop ?a :D
Toi, coco, t’es grill?e ? vie dans le m?tier ! Finis les cocktails ? Perpignan. Liste noire !
Pa?enne ! M?cr?ante !
Mouhahaha, aucun risque que je n’aille plus aux cocktails ? Perpignan : j’y suis jamais all?e ;p (cela dit, j’aimerais bien y aller)(? Perpignan, pas aux cocktails)
Bon, attends un peu que je dise tout le mal que je pense de l’?ni?me expo Cartier Bresson au mus?e d’Art moderne (sans l’avoir vue of course, c’est pour le principe) et l?, tu pourras me traiter de m?cr?ante ;)
Bonjour,
Je viens de d?couvrir ton blog et j’aime bien ton petit coup de gu***e contre l’hypocrisie ambiante :)
Bonne journ?e !