On regardait cette vidéo du photographe JR, le cul posé dans les fauteuils rouges de l’auditorium de la MEP, après une bonne journée de merde dans une semaine moche. Et puis par bribes ou par flash, ça m’est revenu dans le désordre. Les grandes artères poussiéreuses de Cotonou et leur flot continu de voitures bringuebalantes et de zems. Les chemins de brousse et les écoliers en uniformes avant la tombée de la nuit. Les femmes malades à Jabulani et leurs sourires tristes. Les gosses de Langa, ceux qui jouent au cricket dans les rues ou les trois petits qui se battent pour nous tenir la main en traversant les allées entre les hostels délabrés. Les éclaboussures orangées sur les visages à Comè au coucher du soleil. La traversée en pirogue pour rejoindre la forêt sacrée de Djanglanmey. La balade avec Oliver ou plutôt Pule, “pluie”, dans les rues de Meadowlands et son sourire en me faisant monter pour la première fois dans un taxi minivan bondé. Le vent la nuit, dans les palmiers sur la plage de Grand Popo et l’océan qui mugit à mes pieds. Les ruelles du marché de Cotonou et les rires des vendeuses. Les centaines de kilomètres sur les routes défoncées et tous les villages traversés. Hillbrow et les hymnes de la messe de Pâques à Central Church. Le sourire éclatant de Béné quand elle entonne les chants vaudous en battant la mesure avec ses deux clochettes. Les vendeuses de têtes de mouton grillées au feu de bois de Langa et leur visage recouvert d’onguent orange pour protéger leur peau de la chaleur. Les choeurs des hommes au Jeppe Hostel. La route droite et déserte au milieu des plantations de bananes.
Juste des bouts comme ça et plein de visages que j’ai toujours en tête mais auxquels je ne pensais plus vraiment. Tous ces trucs différents d’un bout à l’autre d’un continent et pourtant parfois similaires. Peut-être cette terre orange, chemins serpentant dans la brousse autour d’Atogo, route en train d’être goudronnée vers Doutou ou le contraste avec les gerbes et couronnes vertes, bleues, violettes, sur les tombes à peine refermées du gigantesque cimetière d’Avalon à Soweto.
Je me suis penchée sur le côté et j’ai chuchoté, avec un truc bizarre dans la gorge, ça me manque.
Elle a sourit, oui, moi aussi.
Vendeuse de têtes de moutons grillées, Langa. 04.09
BO Babel