Ah putain l’ironie. de ces endroits où t’es pas et où il se passe des trucs sans toi. parce qu’il est trop tard. et parce que oui mais non. la putain d’ironie.
A 3h du mat’ se taper un trip sur killing in the name of, je me rappelle de ces soirées au Truskel, quand on était derrière les platines, le sourire entendu et carnassier, tiens t’es prête, ouais, balance, qu’on rigole. et ? 3h du mat’ se taper un trip avec toutes les paroles par coeur sur killing in the name of, à moitié déchirée déjà.
j’ai descendu la rue de belleville en slalomant, c’était bon, y’avait tellement longtemps. après Pyrénées, il y avait un bout de jeu de cartes par terre que j’ai ramassé, vacillante. deux de coeur — mauvais signe, le coeur –, deux de carreau, six de pique, six de coeur — merde, ça me poursuit cette connerie — trois de trèfle, quatre de coeur — lâchez moi, merci — trois de coeur — ah putain, l’ironie, encore — cinq de pique, je ramasse dans l’ordre, quatre de pique, trois de pique j’ai presque une suite mais j’avais pas remarqué sur le coup, trois de carreau, et les têtes alors, merde !; cinq de trèfle, six de carreau, deux de pique, heureusement que je joue pas ma vie au poker là, cinq de trèfle, quatre de carreau, deux de coeur, à vous l’honneur, putain d’ironie, deux de carreau, six de pique, six de coeur, va te faire foutre, trois de trèfle, mais combien j’ai ramassé de cartes par terre ?, quatre et trois de coeur, cinq de pique. et voilà. j’ai pas ramassé celles qui avaient le dos bleu. et pas de dame de coeur ni rien, la lose. j’ai ramassé des cartes de merde, c’est comme ça, en même temps, en slalomant, on ramasse ce qu’on peut. on n’est pas obligé d’y croire, aux cartes, aux trois as qui déboulent de nulle part dans des tarots faussés qu’on lit en faisant semblant d’y croire, des fois que.
je descends la rue de belleville, elle fait une tonne de kilomètres, je pense au truskel, à la péniche concorde atlantique, au neuf billards, je suis là mais je suis pas vraiment là, te méprends pas, ouais balance ton truc sexy, je ferais semblant, allez va, j’aimerais bien y croire mais au fond non, je peux pas y croire et faut croire que j’avais bien raison. j’attendrais le jour. la rue de belleville fait vraiment une demi tonne de kilomètres, je tourne dans la rue louis bonnet et je repense à l’ironie, là, à chaque tournant, je me marre, en donnant des coups de poing dans les rétros qui dépassent. merde je pisse le sang, bien fait. j’aurais bien sautillé sur noir désir et ces tapettes de nirvana, c’est pas de moi, c’est dans the wrestler, je suis pas originale tu croyais quoi. je prends la rue de l’orillon et la rue st maur, et puis la rue jean pierre timbaud et puis je suis presque chez moi. je zigzague et merde c’est tellement bon, il faut presque jour, j’avais tellement oublié ça, rentrer au petit jour. je me suis emmerdée, à faire des trucs beaux et sérieux, je vais remettre ça à demain, les trucs qui valent le coup, pour deux minutes j’aimerais oublier et errer et voir le jour se lever, ça fait tellement longtemps, ça fait depuis avant, il y a mille ans. c’était l’époque où on regardait l’aube depuis le haut de montmartre mais maintenant que veux-tu, on a tous plus ou moins oublié, moi je veux plus penser à mes nuits blanches d’un été où j’avais cru que les sentiments c’était ouais youpi, mais c’est rien à côté de ceux qui ont oublié leurs rêves connement, parce que ouais mais bon, on a acheté un appartement tu vois ? non je vois pas, je comprends pas, j’aime autant descendre la rue de belleville en slalom et en chantant à tue-tête tu vois. non tu vois pas, c’est con, voilà il fait jour et je vois ça de ma fenêtre au 7e étage et j’apprécie, bêtement.
j’ai fait trop de trucs sérieux et j’ai aimé ça et j’y crois encore, tu vois. pourtant, j’aime bien descendre la rue de belleville en slalomant parce que c’est comme ça, je marche pas droit, en pensant à des conneries, à l’ironie, à la route avec Eiffel il y a mille ans, à s’en déchirer les oreilles tellement c’était bon, aux endroits où t’es pas et où t’aimerais être sauf que oui mais non.
c’est comme ça, il est même pas 6h et il fait jour, la dernière fois que j’ai regardé le jour se lever comme ça, c’était il y a environ 7 ans, me dis pas que le temps passe vite, c’est toi qui l’a décidé, pas moi, moi je pense à l’ironie et je rigole, si tu savais.
si tu savais.


Fountains of Wayne – For No Better Place

– heeey salut, ça fait une paie !!
– heeey ! ben ouais, grave ! ça va ?
*biz* *biz*
– ouais ouais, on revient de Las Vegas avec V., on s’est bien marré, il s’est éclaté en photo.
– ah cool ça ! J’espère qu’il a pas trop galéré avec ses cartes mémoires, j’avais pas eu le temps de lui rendre sa 4Go avant de partir au Kosovo après l’Afrique du Sud..
– au Kosovo ? C’est mortel ça !
– ouais, c’était vraiment chouette, on était au fin fond des montagnes. Trop bien. Là on essaie de le vendre, on a des plans avec des grosses rédacs intéressées, mais personne se décide… Et toi, tu deviens quoi ?
– Ben, je suis plus à Grosse radio, je suis à Autre Grosse Radio maintenant.
– ah génial, ça le fait ?
– ouais, c’est bien différent ce que je faisais avant, là je suis parti deux fois en Afghanistan, et puis en Italie pour le séisme.
– Wow, en Afghanistan…
– Et toi, l’Afrique du Sud… ça devait être mortel, j’ai plein de potes qui y vont en ce moment..
– Grave. On a fait plein de sujets autour des élections, là on vient d’en publier un sur les réfugiés zimbabwéens à Central Church à Joburg…
– Ah ouais, c’est génial ce que tu fais !
– Yéé ! C’est vrai que ça fait du bien de faire autre chose, j’adore les concerts et tout hein, mais…
– … ouais y’a pas à dire, la presse musicale, c’est super, c’est la cerise sur le gâteau mais le… *se tapote le bras*
– le fix…
– … le fix oui, c’est le reste.
– ouais, grave.

afrique du sud johannesburg central church
Le soir à la Central Methodist Church de Johannesburg qui accueille plusieurs centaines de réfugiés zimbabwéens. Avril 2009


Sparklehorse & Danger Mouse – Insane Lullaby

La nuit est tombée tout d’un coup, en trois ou quatre photos, un peu comme une enclume silencieuse qui ferait juste un petit poc. Il faisait jour et puis une photo plus tard, l’autofocus patinait et j’étais ? 1.4. Encore deux photos et quand j’ai relevé le nez de mon viseur, il faisait nuit noire. C’était ma première soirée béninoise et j’avais déjà les yeux plein de cette terre ocre-orangée et du contraste avec le vert des bananeraies et des manguiers. En moins de vingt-quatre heures, je m’étais déjà emmêlée les pinceaux dans le protocole en étant présentée à deux rois, j’avais déjà assisté à un rituel vaudou auquel je ne comprenais rien et censé donner force et vigueur, dans une case minuscule où? une prêtresse m’avait fait boire une eau étrange et j’étais déjà un peu impressionnée par le masque géant du Zangbeto du village de Doutou.
C’était le premier jour et j’ai surtout noté que la nuit tombait trop vite, un peu comme une enclume silencieuse qui ferait un petit poc.

bénin adepte zangbeto doutou
Un adepte du Zangbeto – Doutou, 09.01.2009

Le deuxième jour reste comme celui où Simone est tombée en rade après environ 72521 photos en 4 ans et m’a laissée en plan avec une fête vaudoue à peine entamée sur les bras à couvrir au 35 ou 40mm, ce qui est un peu court. Cela étant, Simone a eu le bon goût de rendre l’âme après le sacrifice rituel d’une vierge (ahem, une chèvre vierge) mais avant le défilé des communautés d’adeptes. Passée la rage qui a su retenir les larmes de dépit, en sueur et couverte de poussière, il a fallu accepter le noir et blanc dans des conditions qui hurlaient à la couleur, aux rouges violents, aux violets éclatants, aux verts tranchants, dans une mer orange.
Le deuxième jour, Simone m’a lâchée et j’ai eu chaud et j’ai eu le tournis, j’ai eu mal au ventre et envie de pleurer au beau milieu de gens qui dansaient et chantaient dans une orgie de soleil et de couleurs, comme quoi, on peut pas tout contrôler.

bénin fête du vaudou 2009 com?
Danses vaudoues – F?te des cultes Vaudous à Comè, 10.01.2009

Enfin bref, tout ça pour dire que je commence enfin à mettre des photos de vaudou sur mon site, par là, que c’est du noir et blanc par choix drastique et que la sélection fut draconienne selon des critères évidemment pas forcément objectifs mais qui se tiennent au moins un petit peu.


Hrsta – Une infinité de trous en formes d’hommes

pourquoi, mais alors POURQUOI est-ce que des photos qui tiennent la route et font les belles pendant des jours et des jours se mettent-elles soudain à perdre tout intérêt esthétique et journalistique dès l’instant précis où je les envoie à un mag un chouille prestigieux pour leur proposer le reportage ? hein ? HEIN ?!
A croire qu’elles le font exprès rien que pour m’emmerder. C’est du terrorisme ça, farpaitement ! Mais je vais pas me laisser faire par ces petites racailles en jpg, ah elles feront moins les malignes dans la boîte mail du rédac chef de […], hahaha.

(je crois que je pète un plomb)(c’est pour les enfants que c’est terrible)(heureusement que j’en ai pas)

kukaljane kosovo
Kukaljane – 05.2009

J’aime pas les retours, même si ça fait du bien de retrouver un environnement familier. J’aime pas cet arrêt net, même si je bosse sur deux projets faits en Afrique du Sud qui sont/vont être super beaux. J’aime pas l’ennui d’être chez soi, même s’il y a 50000 trucs à faire, transférer les photos d’un ordi à l’autre, écrire des mails, archiver, classer, porter des films au labo, dormir. J’aime pas cette régularité, même si ça aide à résorber la fatigue accumulée depuis un bon mois. J’aime pas les retours, même si revoir tous les visages amis a quelque chose de rassurant. Quand tu planes en altitude, où chaque jour est différent, où tu donnes et reçois tellement, où tu tires l’énergie de tout ce que tu découvres, jusqu’aux limites de l’épuisement total, la redescente créé comme un grand trou béant. Violent. Continuer à créer n’y change rien, tu vois toujours ces moments, ces bribes, sons, mots, ces morceaux d’images accrochés au bout de tes doigts, des trucs insaisissables et ineffaçables.
Et comme un gros point d’interrogation à l’horizon : et maintenant ? et après, on fait quoi ? Continuer le mouvement, des fois que si tu te poses juste une seconde, tu meures dans l’instant et tes belles histoires avec. Et maintenant ? Et les doutes ? Profiter de l’élan pour voir un peu plus loin, des fois que tu te prennes les pieds dans tes angoisses si tu ne jettes qu’un seul regard en contrebas.
Plus là-bas mais pas tout à fait ici, toujours en recherche d’un nouvel ailleurs. Et deux très beaux projets qui sont bien là avant de repartir. Faut juste trouver comment être ici, pleinement, en attendant, puisque personne ne me l’apprend…


This Will Destroy You – The Move on the Tracks of Neverending Light