Conakry, J-1, on atterrit demain, enfin cette nuit. Liberia J-3 ou 4. C’était le rush mais on est contentes de repartir en Afrique de l’ouest. Je te raconterai peut-être si je peux ce que je vois de la vie là-bas, du temps, je te dirai peut-être ce que j’y apprends, j’essaierai peut-être de t’expliquer ce que j’y ressens.
J’essaie de ne pas me retourner, j’essaie de voir de l’avant, je pense aux autres dans mon cas, à ceux qui regardaient aussi toujours en avant, jusqu’à ce que ça soit nous qui emportions leurs visages et leurs images maintenant où nous irons…
Je ne peux pas m’attarder, fais gaffe à toi, qui que tu sois, où tu que tu sois, je te laisse, mon avion m’attend.


Fanfarlo – I’m a Pilot

hampi, india
Hampi – dec 2010

Mais je sais pas bien ce que je retiens de l’Inde. Je sais pas bien ce que j’en remporte. Je sais pas bien non plus ce que ça m’a laissé. Je suis là, immobile, un peu paralysée, j’ai mesuré le vide du retour. Après trois mois au Liban, sur les routes de France et un peu partout en Inde et au Cachemire, les autres jours me pèsent, m’achèvent. Il y a les rues de Pahar Ganj, les nombreuses gares, les longues heures de train, les jambes pendantes dans le vide à la porte, à regarder le paysage défiler, un peu cliché, les cheveux emmélés et un sourire au vent ; les routes défoncées pour aller en Uttar Pradesh, les lacets entre Jammu et Srinagar, les rizières au petit matin près d’Hampi, les rencontres et discussions, tout le temps, il y avait tellement et je ne sais pas tout poser comme ça. Je ne sais pas ce que je retiens de l’Inde. Je revois d’innombrables levers et couchers de soleil orangés, je revois un peu de solitude, enfin, sur des rochers au milieu d’une rivière, je revois des montagnes, je revois des visages, la chaleur de poignées de mains, un regard sous un voile, une promesse que je n’ai pas voulu faire. Mais je ne sais pas bien ce que j’en retiens, je ne sais pas bien ce que j’y ai laissé.
Mais je ne sais pas bien si j’ai fait un peu mieux ou bien un peu moins pire. Je revois la rivière vide à Delhi, les berges de cendres et de fumée, les nuées d’oiseaux et les deux barques, je pense au Styx, je revois la rivière à Baramulla au petit matin noyée dans la brume, je revois enfin le soleil se lever sur la rivière d’Hampi et le bain des habitants. J’ai des visions de Chandni Chowk, le marché aux épices qui nous faisait éternuer et nous filait les larmes aux yeux, les pauses pour boire un tchai sur le bord des trottoirs. J’ai surtout des impressions qui me collent aux yeux de ne plus savoir comment cadrer, comme savoir déclencher au milieu de la foule, capter des mouvements incessants, les visages, les tourbillons de vie.
Mais je sais que j’ai aimé. Peut-être pas chaque seconde, peut-être pas chaque minute ou chaque heure. Même si je n’ai pas une image préférée, une seule à retenir qui serait la plus précieuse à mes yeux, c’est une somme de petits pas et de grands riens. Mais je sais que j’ai aimé. Suffisamment pour n’avoir aucun regret.
Je pourrais dire que j’ai très envie d’y retourner, je pourrais dire qu’il faut que je revois le Cachemire et que j’y passe du temps et ça serait vrai. Pourtant, en y pensant, il n’y a pas ce creux en dedans, l’intérieur qui se tord imperceptiblement, ce souffle qui me manque, ce battement de cÅ“ur qui s’échappe, une fraction de seconde, un reste d’adrénaline, un rien, ce rien à l’idée de retourner en Afrique de l’ouest dans une semaine. C’est comme àa.

Je me suis promis d’essayer. Au moins d’essayer. De penser autant à mes ici qu’à mes là-bas. Je ne te dis pas que c’est facile. Mais ailleurs, j’ai aussi appris à ne pas avoir peur.


Mademoiselle K – Me taire te plaire

Bon, ayé, j’ai enfin légendé, chargé, trié, classé, IPTCé mes photos du Festival de Jazz de Montréal. Donc oui, c’est pas encore le Cachemire, ça arrive.
Alors zou, galerie :


Festival International de Jazz de Montreal – Images by Juliette Robert

Kids in Kashmir

Cachemire – dec. 2010

Je vais mettre en ligne une galerie de photos du Cachemire. Du noir et blanc bien contrasté, des couleurs pastels, de la lumière crue qui filtre par les fenêtres, des contre-jours, des flous… Des photos qui me tiennent à cÅ“ur, pas des photos du “paradis kashmiri” genre Srinagar en été, non, des photos d’hiver et de villages perdus avec plein de visages et de silhouettes dedans.

A young girl in Kashmir
Kashmiri girl – december 2010

Some pictures stay with you, whether you choose it or not. Whether they’re good or bad. Whether they open a story or can never find their right place.
This one never made it to any 12 pictures edits I did recently. Not because it’s bad, it was one of my favorites, not because all the others were better. It’s just that it didn’t really fit in the story and 12 or 15 pictures doesn’t leave room for pictures that can’t be justified. That’s one of the things I’ve been learning recently.
But the real pity is that most editors who’ve seen this story like the pictures and like the story. But the story itself don’t fit, Kashmir isn’t in the news it appears.
Meanwhile, this picture stays with me, quietly.

It’s okay, I’ve been learning a lot of things these last weeks.