beyrouth - raouch?

J’ai écrit tout ce que je pouvais dans mon agenda. Tous les trucs à faire avant le départ, comme d’hab’, en vrac. Je ne sais pas si ça m’a aidé mais ça a noirci des pages. C’est déjà ça.

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J’avais oublié les lumières du sud en automne. J’avais oublié comme il pouvait y faire beau. Traverser cette campagne me ramenait des souvenirs et des sensations par bouffées. ça me faisait me sentir de quelque part, même brièvement.

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J’avais toujours Beyrouth et les collines du Sud-Liban devant les yeux. C’était là, même si j’avais mon billet d’avion suivant. J’étais toujours un peu fascinée par la tombée du jour sur Raouché, ce bout de terre et de rochers sous les buildings en (re)construction. J’y aimais la lumière et la lenteur ; les grappes humaines qui traversaient l’étendue sableuse, ce coin un peu sauvage, Beyrouth hors de Beyrouth, comme échappé, suspendu, et au bout, le bois, le béton et les tôles des cabanes bringuebalantes des pêcheurs. Pour y descendre, il fallait juste passer sous les barrières de la corniche et prendre le sentier abrupt le long des herbes folles jusqu’aux rochers. Ils venaient de la banlieue sud de Beyrouth et ils nous ont dit qu’ici au moins, ils pouvaient respirer. Un drapeau libanais déchiré s’enroulait sous le vent, tout était calme, pour un temps.

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Quand je suis sortie, la lumière m’a aveuglée. Sans lunettes de soleil, sans lentilles, j’ai retrouvé au bout du train le léger vertige que me donnaient les lieux inconnus.

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Ils ont ouvert le bal sur “here, there and everywhere” des Beatles, et les voir tourner lentement, inconscients du reste du monde, le voir fredonner les paroles tout doucement, c’était un des trucs les plus touchants depuis longtemps. C’était lui, très exactement.

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Sans le faire vraiment exprès, je me suis retrouvée avec des notes plus ou moins éparses des Nocturnes de Chopin accrochées dans tous les recoins de ma t?te. Il faut dire qu’il m’avait accompagnée en boucle ces derniers jours, pour apaiser le stress et bosser tard la nuit. Du coup, il se tapait l’incruste dans ma tête quand ça lui chantait et que je m’y attendais le moins, et faisait la nique à Schubert et à Liszt le long des portées imaginaires de mes sifflotements et ça me plaisait bien.

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– Tu fais ce que tu voulais faire alors…
– C’est flippant..
– Mais c’est ce que tu voulais, non ?
– Oui, bien sûr.
Mais je n’é?tais pas sûre de vouloir ou de pouvoir évoquer de moi-même pourquoi c’était ce que je voulais et en quoi ça me faisait flipper. Mais tant que j’allais vers l’endroit où j’avais toujours voulu être, est-ce que ça avait une quelconque importance ?

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Il y a un autre bout de musique qui a filtré à travers mon cerveau et qui ressort, comme une ritournelle, juste un bout de refrain récent, et en y pensant, je me suis dit que c’était tombé à pic pour mes 30 ans.

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Changer de dizaine m’embête vaguement. D’un autre côté, j’ai l’impression d’être moins raisonnable, de prendre plus de risques qu’à 20 ans. Quelque part, je me sens plus jeune à 30 ans qu’avant.

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Avant m?me d’être repartie, je sais déjà où et quand je vais re-repartir. ça sera encore de la fatigue et du stress. ça sera encore l’aventure ; bouger est inéluctable, le reste, l’adrénaline, la joie profonde, les avancées et paliers franchis, de simples conséquences.

Beyrouth gemmayzé

Rue Antoine Kazan – Gemmayz?
(Spéciale dédicace pour Ph&, j’ai pas eu le temps de poster plus, j’ai même pas le temps de me balader pour prendre tout ce que je veux en photo. arf.)

Bleecker Street

Il y a des nuits qui me manquent. C’étaient des nuits où j’avais du temps, où il était toujours assez tôt. Où je laissais les mots s’assembler sous me doigts, comme ça, où j’avais baissé ma garde. C’étaient des nuits où j’avais laissé le monde s’endormir autour de moi, en rentrant tard après une balade nocturne à pieds dans la ville. Où je ne prenais pas garde de ne pas me perdre, pour un temps. C’étaient ces moments magiques où j’avais laissé le stress aller coller des insomnies à d’autres, où mes musiques me prenaient et me déposaient là où elles le voulaient bien, c’étaient des nuits dont le calme me portait pour travailler sur des photos par plaisir. Où je me laissais vagabonder en pensées et puis les mots s’assemblaient sous mes doigts, comme ça. C’étaient des nuits où je n’étais pas plus heureuse que maintenant. Maintenant, la nuit je dors, je ne regrette rien. Je fais mille et un trucs bien plus passionnants toute la journée, et maintenant mes musiques se ressemblent, je les connais, elles me rassurent. Je ne me perds plus à pas d’heure dans les rues presque désertes et quand je vagabonde, c’est bien plus loin. Et les mots ne s’assemblent plus, comme ça, sous mes doigts, ils ne suivent plus les mêmes méandres, ils ne tourbillonnent pas, ils ne m’entrechoquent plus. Et il n’est plus trop tôt ou trop tard pour ce que je veux. Et je ne changerais pas ces nuits d’avant contre mes journées de maintenant. Maintenant, la nuit je dors et je ne regrette rien.
Mais certaines nuits, il est des nuits qui me manquent.


Simon & Garfunkel – Bleecker Street

new york subway
14th St.


Message to Bears – Find Our Way Home