Ben voilà, fallait bien que ça m’arrive à nouveau, après deux ans sans pépins techniques, blam, j’ai tout cassé mon vieux 28-70. ça pourrait être pire, j’aurais pu casser un autre obturateur. J’aurais pu me faire chourer mon Leica. Hmm, je peux toujours casser ou me faire voler le reste, note.
M’enfin. ça fait deux fois que je pête du matériel le premier jour ou sur le trajet d’un reportage. La prochaine fois, je me fais désenvouter avant de partir (ça peut toujours servir, pour ça ou autre chose).
Et bien sûr, pas moyen de louer un truc sur place. Tsé, c’est Beyrouth quand même.

Finalement, mon sac est toujours bouclé, même quand rien n’est encore dedans.
Finalement, le chat fait toujours autant le con, que je m’agite à 8h du soir ou à 3h du matin avant le départ.
Finalement, plus ?a va, plus je voyage léger, surtout l’été, va comprendre Charles.
Finalement, plus ?a va, plus c’est n’importe quoi. Sauf nos sujets, ça va de soi.

Il y a trois ans, je me rappelle, j’étais au Kosovo, c’était le jour des législatives, on courait partout entre Mitrovica nord et Mitro sud et strictement rien ne se passait. On déjeunait et on rigolait avec les autres journalistes étrangers. On avait tous fini la soirée au monastère en mode touristes parce qu’il n’y avait rien à dire, juste “c’est compliqué”, comme un statut Facebook à la con. Mais il aurait encore tellement à dire. Il y a trois ans, c’était un peu il y a mille ans…

Bon, le truc le plus dur en fait est de choisir le bouquin — pas trop gros — que je n’aurais absolument pas le temps de lire.
Donc j’hésite. Vaut-il mieux ne pas avoir le temps de lire Shakespeare de Bill Bryson, Generation X de Douglas Coupland ou Slaughterhouse Five de Kurt Vonnegut ?
Saleté de dilemme.
Ok ok, je prends 2 (oui, DEUX) Bill Bryson que je n’aurais pas le temps de lire. Mais c’est juste parce que je suis un brin maso sur les bords.

D’habitude, je fais pas trop de politique, d’un le fait d’être en pack m’emballe moyen, de deux j’ai pas vraiment l’occasion. Mais on m’a envoyée sur la conf de presse d’une remise de rapport sur les métiers de la santé. Comme j’avais pas piscine je suis curieuse, j’y suis allée. Bref, il y a de la marge de progrès, mais j’ai pas perdu mon temps.


Politics February 2011 – Images by Juliette Robert

Cela dit, niveau politique, le plus marrant, c’était en octobre dernier, la conférence de presse d’Ahmadinejad et Sleimane à Beyrouth. De l’intérieur, tu vois comment ça marche dans un autre pays, les accred’, les autorisations, les autres journalistes et photographes. J’ai pas fait des photos de ouf, mais c’était intéressant.


Press conference of Mahmoud Ahmadinejad and Michel Sleimane in Beirut – Images by Juliette Robert

D’ailleurs, à propos de Beyrouth, on y retourne mardi, youpi, et un de nos super sujets sera publié en mai. Les bimestriels (le premier qui me parle de “quinzomadaire”, j’y fais une tête au carré pour lui apprendre à parler français), c’est un peu chiant. Mais c’est beau hein, surtout celui-là. Mais c’est chiant.

beyrouth - raouch?

J’ai écrit tout ce que je pouvais dans mon agenda. Tous les trucs à faire avant le départ, comme d’hab’, en vrac. Je ne sais pas si ça m’a aidé mais ça a noirci des pages. C’est déjà ça.

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J’avais oublié les lumières du sud en automne. J’avais oublié comme il pouvait y faire beau. Traverser cette campagne me ramenait des souvenirs et des sensations par bouffées. ça me faisait me sentir de quelque part, même brièvement.

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J’avais toujours Beyrouth et les collines du Sud-Liban devant les yeux. C’était là, même si j’avais mon billet d’avion suivant. J’étais toujours un peu fascinée par la tombée du jour sur Raouché, ce bout de terre et de rochers sous les buildings en (re)construction. J’y aimais la lumière et la lenteur ; les grappes humaines qui traversaient l’étendue sableuse, ce coin un peu sauvage, Beyrouth hors de Beyrouth, comme échappé, suspendu, et au bout, le bois, le béton et les tôles des cabanes bringuebalantes des pêcheurs. Pour y descendre, il fallait juste passer sous les barrières de la corniche et prendre le sentier abrupt le long des herbes folles jusqu’aux rochers. Ils venaient de la banlieue sud de Beyrouth et ils nous ont dit qu’ici au moins, ils pouvaient respirer. Un drapeau libanais déchiré s’enroulait sous le vent, tout était calme, pour un temps.

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Quand je suis sortie, la lumière m’a aveuglée. Sans lunettes de soleil, sans lentilles, j’ai retrouvé au bout du train le léger vertige que me donnaient les lieux inconnus.

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Ils ont ouvert le bal sur “here, there and everywhere” des Beatles, et les voir tourner lentement, inconscients du reste du monde, le voir fredonner les paroles tout doucement, c’était un des trucs les plus touchants depuis longtemps. C’était lui, très exactement.

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Sans le faire vraiment exprès, je me suis retrouvée avec des notes plus ou moins éparses des Nocturnes de Chopin accrochées dans tous les recoins de ma t?te. Il faut dire qu’il m’avait accompagnée en boucle ces derniers jours, pour apaiser le stress et bosser tard la nuit. Du coup, il se tapait l’incruste dans ma tête quand ça lui chantait et que je m’y attendais le moins, et faisait la nique à Schubert et à Liszt le long des portées imaginaires de mes sifflotements et ça me plaisait bien.

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– Tu fais ce que tu voulais faire alors…
– C’est flippant..
– Mais c’est ce que tu voulais, non ?
– Oui, bien sûr.
Mais je n’é?tais pas sûre de vouloir ou de pouvoir évoquer de moi-même pourquoi c’était ce que je voulais et en quoi ça me faisait flipper. Mais tant que j’allais vers l’endroit où j’avais toujours voulu être, est-ce que ça avait une quelconque importance ?

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Il y a un autre bout de musique qui a filtré à travers mon cerveau et qui ressort, comme une ritournelle, juste un bout de refrain récent, et en y pensant, je me suis dit que c’était tombé à pic pour mes 30 ans.

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Changer de dizaine m’embête vaguement. D’un autre côté, j’ai l’impression d’être moins raisonnable, de prendre plus de risques qu’à 20 ans. Quelque part, je me sens plus jeune à 30 ans qu’avant.

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Avant m?me d’être repartie, je sais déjà où et quand je vais re-repartir. ça sera encore de la fatigue et du stress. ça sera encore l’aventure ; bouger est inéluctable, le reste, l’adrénaline, la joie profonde, les avancées et paliers franchis, de simples conséquences.

Beyrouth gemmayzé

Rue Antoine Kazan – Gemmayz?
(Spéciale dédicace pour Ph&, j’ai pas eu le temps de poster plus, j’ai même pas le temps de me balader pour prendre tout ce que je veux en photo. arf.)