imagine la voix de Jean Rochefort en lisant cette phrase. je peux encore l’entendre exactement, je ne sais pas combien de fois je l’ai écoutée cette voix et cette phrase, sur notre cassette jaune de Peter Pan, quand on était gosses et qu’on la trimballait partout. Et depuis quelques temps, à chaque fois que je fais un trajet en train, en voiture, en avion pour un inconnu même relatif, bim, elle revient dans ma tête au moment du départ. Au début, je trouvais ça un peu ridicule cette réminiscence, et puis je crois que j’ai appris à l’apprécier, je dis rien, je souris juste et bim, c’est vraiment le départ pour un ailleurs imaginaire. Parce qu’évidemment, la réalité n’est jamais telle qu’on l’a imaginée alors des pays imaginaires, il y en a partout.
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J’ai failli écrire “comme d’habitude” juste là. Alors que ce n’est que mon troisième reportage à l’étranger, mais déjà, le bouclage du sac, les trucs à emporter, les batteries qui chargent, le matos partout, les 40 films, tout éa, j’ai l’impression d’en avoir l’habitude. c’est con les habitudes, c’est juste un peu rassurant dans une grosse mer bien houleuse d’appréhensions. ma trouille à chaque fois, pas faire assez d’images, pas faire de bonnes photos, pas faire assez de bonnes photos. être trop pressée. oublier de réinventer, oublier de sortir de mes habitudes et de mes cadres. c’est ce que je disais, c’est con les habitudes.
Enfin le sac est bouclé, la nouveauté, c’est que je trimballe une moustiquaire.
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Tombouctou, Cotonou, Ouagadougou… Quand j’étais gosse, ces noms avaient la saveur du bout du monde quand je les prononçais. Tu me diras, c’est forcément le bout du monde pour quelqu’un. Oui mais. C’était des noms magiques. Par exemple, Johannesbourg, c’est beaucoup plus loin mais c’est moins magique. C’est comme ça. Même Shangaï, c’est moins magique comme mot que Tombouctou. Par contre Vladivostok, c’est pas mal dans un autre style. Oulan-Bator aussi. Mais Melbourne, désolée, ça me fait rien que je le dis. Je sais pas ce qui fait qu’un nom de ville a plus un goût de bout du monde qu’un autre. Alors qu’on peut tout à fait se sentir au bout du monde sur une jetée en Normandie, par exemple. Bon c’est vrai que la Normandie, c’est un peu le bout du monde pour une parisienne, hin hin hin.
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Demain soir, j’atterris dans une de ces villes au nom magique. c’est arrivé comme ça pouf. J’embarque avec moi “La Solitude Heureuse du Voyageur”, de Depardon. Si tu vas dans un de tes bouts du monde, n’oublie pas ton Depardon.
D’ailleurs, ce post a failli s’appeler “si tu voyages en avion, n’oublie pas tes granolas”, parce que c’est important aussi mine de rien.