C’est une histoire de brève rencontre et de session ratée. Un coup de fil alors que j’arrive à Orly pour prendre un avion, as-tu d’autres photos ? Non, pas vraiment. J’ai déjà la tête à Johannesburg, mais je promets à Rédac Chef de vérifier. Ma carte mémoire n’est pas encore formatée mais non, rien d’autre, rien de bien, j’en envoie une ou deux, pour le principe. A mon retour, il me dit embêté qu’il n’a mis qu’une vignette, dans le sommaire et pour l’article, une photo promo. Je dis, je suis désolée. C’est la première fois que Rédac Chef ne passe pas un de mes portraits, je me dis ça arrive de se louper mais je sais que c’est vraiment dommage. Et depuis, je me demande souvent pourquoi j’ai raté ces photos, sans raison apparente.
C’est peut-être aussi banal qu’une journée sans lumière dans une semaine sans inspiration. C’est peut-être aussi bête qu’avoir déjà la tête ailleurs, à une semaine du départ pour l’Afrique du Sud. C’est peut-être aussi con que la pression du temps qui court et de Rédac Chef qui discute avec l’attachée de presse à trois pas. Ce sont des mauvais cadrages, des mises au point aléatoires, des attitudes qui m’échappent dans un lieu qui ne me parle pas.
C’est une artiste disponible et adorable pourtant et qui m’intimide bizarrement. Elle chantonne tout doucement pendant que je tourne autour d’elle et j’aime bien ça, qu’elle chantonne, qu’elle me regarde ou pas, qu’elle soit là et pas là à la fois, et je me doute bien que ça lui donnera des expressions bizarres, figées, mais je laisse faire. Je l’interromps parfois pour diriger son regard et puis voilà .
C’est aussi curieux que le bref attachement que je n’oublie pas avec ceux et celles que je cadre, quelques mots échangés, quelques regards, quelques sourires et puis s’en va.
C’est aussi couillon que la confiance que je me fais que malgré tout, j’arriverais bien à capter ce petit moment de naturel que je recherche quand je fais des portraits. C’est une histoire de croisement de chemins, si ténu qu’il en est presque incertain. Elle est un petit peu ailleurs et moi peut-être pas tout à fait là , et je tourne autour d’elle et je ne la capture pas.
Mais elle sourit, et ça me va.
Farewell Lhasa.