tiens d’ailleurs, à propos de dire des conneries, j’avais un post tout prêt dans ma tête de linotte, sur comment un musicien texan — que j’allais nommer — m’avait chourave une photo sur flickr et comment oh ben pas d’bol, le mec organisant son concert à Paris en avait fait un moche flyer pixellisé sans même mon nom dessus. et il m’avait dit, sans rire, “hope it’s ok”, hahaha, impayable le gars (et impayée je suis, d’ailleurs).
j’avais donc un brin la rage et j’attendais en fait de relancer le gus, même si j’avais pris le temps de lui expliquer la vie par mail, style le vol c’est mal, en plus t’es un artiste, bouh c’est dégueulasse, salaud de riche exploiteur américain autoproduit. j’attendais presque impatiemment qu’il me réponde pas, histoire de bien le balancer et lui pourrir son nom sur mon ami gougueul pour les douze prochaines générations. je prévoyais même des trucs encore plus sadiques, car je suis totalement velléitaire et il se passe plein de trucs marrants dans ma tête, bref.

et là, pas plus tard qu’il y a quelques jours, sans relance, il m’écrit et me propose quelque menue monnaie pour me payer des pistaches.
j’en suis toute ébouriffée, encore un coup de la batte de base-ball subliminale, je crois que je maîtrise à mort la Force là. je lui ai donc répondu avec mon plus bel accent texan “cochon qui s’en dédit, petit”.
n’empêche, je me dis et voilà, pour une fois qu’on me vole une photo et que j’ai donc une bonne raison de balancer grave, d’être sadique et de dire du mal, même pas peur, on me propose de me payer.
la vie est mal faite.

(je précise que c’est pas un appel à me voler des tofs “pour voir si je peux être méchante”, la réponse est oui, je peux. voire même être très pute. et surtout j’ai des avocats, plein, potentiellement tout le barreau de paris alors hein)(et j’ai un grand frère aussi d’abord)(et un jour même je ferai du taichi)(bande de racailles)

une journaliste de World Sound avec qui je bosse régulièrement m’avait filé rendez-vous au Delaville, en face du Rex, pour une interview et session photo d’une artiste. Bon on papote, l’artiste arrive, je les laisse discuter pour aller m’enquérir de la possibilité de faire des photos dans l’arrière-salle. Il y a genre 15 personnes max dans le café et personne au fond, donc vu qu’on ne risque pas de déranger, je vais demander à un serveur derrière le bar plus par politesse que pour obtenir des formulaires en trois exemplaires à faire remplir par RédacChef.

– Bonjour, je suis photographe, on est en train là de faire l’interview d’une artiste et je voulais savoir si…
– Vous n’aviez pas pris rendez-vous pour l’interview, hein ?
– je vous demande pardon ?? (< -- c'est là, à ce point d'interrogation précis que commence la chute de mon QI)
– oui votre interview, vous la faites comme ça, sans rendez-vous ?
je reste bien con trois secondes.
– heu… comment ça prendre rendez-vous pour faire une interview ?! on a pris rendez-vous avec l’artiste, on s’est installé ici parce que c’est pratique et qu’on aime bien l’endroit…
– ah ben oui, vous faites comme chez vous hein, alors comme ça on arrive et on fait une interview !
Là j’avoue, j’ai failli lui dire que bon ça va, arrêtez de me faire marcher, ça va deux minutes. le truc, c’est qu’il était super sérieux. je comprenais tellement pas pourquoi il m’agressait que j’ai encore perdu une bonne douzaine de points de QI.
– non mais c’est quoi la différence ? on vient dans un bar, on prend un café et on discute, ça change quoi ??
– ah bah oui hein bien sûr ! il fallait appeler avant !
c’est là que j’ai percuté qu’au Delaville, ils pètent tellement plus haut que leur cul qu’il faut prendre rendez-vous avant de pouvoir venir boire des cafés et poser cinq questions à une artiste super détendue, on parlait pas de U2, d’une équipe de 12 personnes ou de réserver le bar là quand même.
– oui donc, ça serait possible de faire des photos dix minutes au fond sans déranger personne ?
– non.
– …
– …
– heu… mais pourquoi ?
– parce qu’il faut appeler avant et voir avec le responsable.
– ah ok, ben je peux peut-être demander au responsable ?
– c’est moi.
– ah. ( […] < -- abîme de perplexité dans lequel moi et mon QI sombrons à pieds joints)
– …
– et donc là c’est pas possible pourquoi ?
– parce qu’il faut appeler avant ! et on vous donne un rendez-vous.
j’ai encore perdu un bon paquet de points de QI, ça me fait toujours ça les gens qui refusent de m’expliquer un truc, en plus ça a aussi tendance à me rendre dingue, style j’ai 4 ans à nouveau et je demande “et pourquoi le ciel ? et pourquoi les fleurs ? et pourquoi ? oui mais pourquoi ?” . je me suis sentie comme une poule qui vient de pondre une tri-X, en fait je me sens tellement con que j’hésite à poser une autre question.
– oui mais là, on est là, y’a personne, ça change quoi ? pourquoi pas ?
– parce que le propriétaire veut pas.
– ah.
– …
– bon. ben vu comme ça hein, c’est sûr…

moi et ma perplexité, on est reparti lentement vers la terrasse en faisant arheu, avec la poule et sa tri-x sous le bras.
je peux comprendre qu’ils ne veulent pas que ça soit le bordel avec des photographes sans arrêt mais bon… p’tet qu’il s’est imaginé que j’arrivais avec 3 assistants, deux stylistes et 5 maquilleuses, en plus des trois boîtes à lumière géantes, de mon groupe électrogène et de ma collection d’enclumes. ou bien p’tet qu’ils font payer pour la moindre photo. ou la moindre interview. et qu’ils exigent qu’on leur fasse bien de la pub déguisée en les citant dans l’article pour la grande bonté qu’ils ont eu de nous laisser nous marrer avec une chouette artiste.
enfin bref, il me reste plus qu’à lire XXI pour récupérer un peu de mon beau QI perdu, mais faut pas s’étonner si je raconte que des conneries dans les jours à venir…

je vais finir mon dixième film scanné et déjà, je m’ennuie, je ne sais pas bien comment je vais arriver à finir les 26 autres. ni à démêler ce qui vaut vraiment le coup ou pas. bien sûr, là je fais déjà une présélection, mais je ne fais que distinguer les évidences de mes ratés. les quelques incontestables réussites, que je ne juge pas toujours sur leur qualité intrinsèque mais sur le souvenir que j’en avais. mais je ne me souvenais très précisément que de cinq ou six. pour le reste, ce sont des entre-deux, des éventuellement, des pourquoi pas, des c’est pas mal ça, des je l’aime bien mais est-ce que ça suffit ? ou des on verra bien… et je me demande quelle place elles auront dans une histoire qui ne serait pas la mienne.
je guette des détails, des imperfections qui ne me choqueraient absolument pas si ce n’était pas mes photos, les cadrages un peu trop centrés, les instants un tout petit peu mal choisis, les expositions vacillantes, tous ces moments où j’avais le regard happé par tellement de trucs que je ne voyais plus grand chose, tous ces moments où je n’ai pas su choisir exactement, tous ces moments où j’ai oublié de prendre le temps. ce n’est pas si grave, c’est juste qu’à force de tout vouloir on n’a rien de complet. d’un côté, le numérique, les photos d’agence, l’immédiateté, chaque photo est une info, ne pas avoir à se soucier du manque de film, faire beaucoup plus d’images et répondre à une esthétique très particulière. de l’autre côté, du film noir et blanc, construire des histoires lentement, essayer de poser ou d’imposer sa patte et sa subjectivité. et puis même en noir et blanc je ne sais pas choisir, j’aime le flou, le contraste, le grain et les cadrages bancals, et j’aime aussi la netteté, les millions de nuances de gris, la perfection… alors je n’ai pas choisi, je ne sais pas et ne veux pas choisir mais face à un même événement, il faudrait bien, comment raconter une histoire de A à Z sinon sans tout mélanger ? je n’ai pas encore trouvé, j’ai tout mélangé. je suis ni d’un côté ni de l’autre, jamais contente.

pourtant quand je regarde tout ça, quand je vois la vie qui se diffuse, qui déborde de mes planches-contact, quand je revois ces regards qui ont transpercé mes objectifs, quand je songe à toutes les distances que j’ai dû traverser pour coller à mon sujet au 35 mm, mes distances surtout, j’ai bon espoir. je ne sais pas si j’ai fait un saut en avant, un pas sur une marche, un tressaillement de côté, un bond sur un tout autre chemin, je ne sais pas bien, tout ce reportage, c’est peut-être juste mon petit cap de bonne espérance à moi.

j’ai presque fini le onzième film. ça me dit pas comment je vais faire pour scanner les 25 restants. p’tet bien en continuant à raconter des conneries considérations hautement intéressantes ici.
et en écoutant du Schubert, histoire d’avoir l’impression de repartir d’ici, de reprendre la fuite vers un tas de nouveaux ailleurs.


Schubert – Impromptu en Fa mineur

Je sens que je vais reprendre un abonnement mensuel RATP moi…
ne fut-ce que pour errer dans toutes les stations et admirer deux de mes photos sur l’affiche de Mademoiselle K :

Mademoiselle K Alhambra

je suis toute orgueil et ego démesuré tiens.

Sinon quand vous aurez assez admiré cette somptueuse et néanmoins chatoyante affiche, vous pouvez aussi aller voir ces quatre galopins à l’Alhambra, y’a des chances que ça soit vachement bath.

imagine. un vendredi soir, tu récupères 36 films au labo et comme dedans il y a plein de jolies photos, il va y avoir du temps passé derrière le scanner. bon, donc il faut se préparer psychologiquement, parce que sélectionner les bonnes photos, ça veut aussi dire voir les mauvaises et se dire aaaaarg, ou et meeeeeeeerde, ou pourquoi gné tout souzeeeeeeeex, environ toutes les 2 minutes.
donc imagine. tu te prépares psychologiquement, tu fais un premier repérage vite-fait. le samedi, tu y passes l’aprem en y allant mollo, faut s’économiser. en fin d’aprem, tu oses mettre un pied dehors et tu vas t’acheter de la bonne et saine lecture (XXI) parce que t’en as marre de rafraîchir le site d’ASI toutes les trois minutes pendant que ça scanne. sur le coup de 19h, tu commences à réfléchir lentement au dîner que tu vas préparer et sur le moment opportun pour faire cette pause dans ton labeur acharné. bref, c’est le week-end mais tu t’es fait un cocon de boulot archi confortable, t’as tellement un bon rythme que même une explosion atomique te ferait pas dévier d’un iota dans ta trajectoire de petite fourmi de la photo.
et là, drame. vers les 19h24. ton red chef esclavagiste du Hiboo te demande d’aller couvrir Of Montreal au Bataclan. il te supplie même, quand tu lui dis que t’as trois tonnes de taf, limite il proposerait des trucs que la morale réprouve. pour l’explosion atomique, y’avait pas de problème mais pour Of Montreal, Ze Groupe de grands malades à pas louper en concert, c’est la tragédie.
Et bien j’ai hésité. j’avoue, je suis pas fière, j’ai mis bien 5 minutes à me laisser convaincre.
oui, d’aller couvrir Of Montreal sold out au Bataclan.
alors que j’avais rien d’autre à foutre que des scans moches de photos ratées à la place.

chuis tellement grave que je me fais peur des fois.

of Montreal - Paris