17 janvier, déjà. Sans voir le temps passer.
Je me laisse bombarder d’images et de news sur Haïti, tous les regards sont braqués là-bas. Pour combien de temps ? Combien de temps va-t-on laisser tourner les caméras sur la ruine avant de les détourner pudiquement de la misère quotidienne ? Tout va rentrer dans l’ordre, les dons seront donnés, les journalistes seront rentrés, les bidonvilles vont se reconstruire, les absurdités économiques seront reproduites, les pauvres resteront pauvres, que veux-tu. Les agences auront leur images et les news arrivées à saturation se tourneront vers d’autres actus chaudes bouillantes. Oh je ne devrais pas faire ma chochotte, si j’avais pu, je serais partie avec deux amis journalistes. Pour combien de temps ? Peut-être une dizaine de jours, le temps à peine d’effleurer une réalité que je ne connais pas dans un pays dont je connais trois fois rien. Et puis s’en va. Je ne devrais pas faire ma chochotte, c’est un métier de couvrir l’actu super chaude, les catastrophes, les guerres, les morts. Et on a besoin de journalistes/photographes pour couvrir ça, pour raconter. Mais ça me laisse quand même un arrière goût de je ne sais quoi, de voir tout le monde converger tout d’un coup vers un caillou laissé à l’abandon le reste du temps. Le monde retient son souffle quelques secondes, c’est l’émotion, envoyez vos dons, et surtout ne demandez pas à vos gouvernements et au FMI quelques éclaircissements sur ce qui se passe depuis 50 ans.
Je ne devrais pas faire ma chochotte, il faut bien raconter le monde tel qu’il est, quand il craque, quand il éructe, quand il saigne.
Mais moi ce qui m’intéresse, c’est de savoir ce qui se passe lorsque les caméas sont détournées, lorsque les envoyés spéciaux sont rentrés. Ce qui m’intéressait au Kosovo, c’était de percevoir les tensions restantes et la vie malgré tout dix ans après la fin de cette guerre dont les médias nous avaient saturés. Mais ça, c’était “intéressant oui, mais”. Point final. Et l’impression tout compte fait que tout le monde s’en tape. Je ne devrais pas faire ma surprise, il y a plus de place pour les morts que pour les vivants dans les médias, c’est comme ça. Et je ne devrais pas faire ma stupide, c’est aussi une question économique : les photographes indés ou d’agence sont plus sûrs de vendre leurs images sensationnalistes de catastrophes ou de guerres. Ce sont elles qui font les doubles dans Newsweek et les covers des quotidiens du monde entier.
Tant que j’y suis, allez donc lire ceci : Like moths to a flame, ça résume très bien ces contradictions et mon ambivalence. Et même l’ambivalence générale de la couverture médiatique d’un événement de ce genre. Lisez tout l’article et même celui-ci A pack of war paparrazi.

17 janvier déjà, et moi et moi et moi. Je ne vois plus le temps passer. Je passe mes journées à tourner de bien chouettes vidéos et à les monter. Le soir, quand je ne suis pas trop crevée, je bosse sur d’autres trucs. Les trucs en retard. Un diapo sonore très chouette qui attend d’être fini et chouine de frustration. Des negs à scanner qui criaillent aussi. Des photos déçues de ne pas avoir fait partie du premier choix qui hurlent aussi bosse-moi ! Mon portfolio qui attend une update et qui commence à s’énerver. Tout ça, ça fait un boucan de tous les diables, alors je mets ma musique encore plus fort, ça couvre le brouhaha environnant pour un temps.

Et puis sinon, si vous passez par Marly le Roi, entre St Germain en Laye et Versailles, par là, arrêtez-vous au Centre Culturel Jean Vilar, j’y expose une douzaine de portraits d’Afrique et autant d’histoires, c’est une expo commune avec mon cousin et un ami à lui et c’est bien beau et c’est jusqu’au 20 février.
Et si vous pouvez pas y aller, vous pouvez quand même acheter le mini catalogue de l’expo par ici.

C’était le bordel ce post, mais on est le 17 janvier déjà et je me sens un peu comme le lapin blanc.

Bon, avec tout ça, mon nouveau job pour le-hiboo (des concerts, des vidéos et encore des concerts et des vidéos) et plein de trucs à côté (dont une expo très très bientôt), j’ai rien trouvé d’intéressant à dire depuis un bon moment, donc je vous renvoie sur le blog de Pierre Morel et sa série d’articles sur le photojournalisme.
C’est très complet, c’est chouette, et ça redonne même du coeur à l’ouvrage, oué oué, tout ça au moins, c’est par là : Et si les photojournalistes étaient les plus aptes à survivre aux mutations des médias

Bonne lecture !

En 2001, j’étais sortie de mon école photo depuis un an, mais j’étais pas beaucoup plus avancée. J’avais bouffé tellement de technique et de courbes de sensitométrie que j’étais incapable de faire une image. La spontanéité, l’instant, l’instinct, tout ça c’était passé à la trappe et je n’ai quasi pas touché à un appareil pendant deux ans. Le déclic est revenu lors d’un voyage à New York en 2002, mais c’est une toute autre histoire. En 2001, je n’avais même plus vraiment envie de photo, je voulais avoir 30 ans et des années de reportages derrière moi, histoire de ne surtout pas avoir à faire le chemin mais être direct là où je rêvais d’être.

Si je réfléchis là où j’étais en 2001, c’est suite au lien que Pierre Morel fait tourner, une s?rie d’articles saignants et désabusés sur l’état de la presse française et du photojournalisme en 2001. Et quand on voit son état actuel, 8 ans après, on se demande ce qui a été fait pendant tout ce temps alors que la sonnette d’alarme avait été tirée. Et on réalise que rien, que dalle. Que c’est la même, en pire. Et que comme dit Pierre Madrid, tout le monde aime le photojournalisme, mais pas les photographes. L’article le plus parlant, c’est “le photojournalisme agonise” et bien que ça ne serve à rien de se repencher sur le passé, surtout quand le présent n’est pas spécialement lumineux, ça fait tout de même froid dans le dos. Le reste des articles est édifiant aussi.

En 2001, je n’y connaissais rien, j’étais en fac de cinéma, prête à lâcher la photo pure pour le ciné, tellement j’arrivais plus à faire une image. J’y suis revenue 2-3 ans plus tard, dégoutée par le manque flagrant de moyens de l’université. J’y suis revenue par un concours de circonstances, un truc comme rencontrer la bonne personne au bon moment. En 2009, la situation générale s’est encore détériorée et suit la même courbe descendante et je me demande parfois si je ne devrais pas tout lâcher et faire un job sérieux, pas un métier de saltimbanque. On a beau se dire que la révolution numérique doit être surtout porteuse d’opportunités, de réinvention, et que chialer sur le passé ne sert à rien, quand je vois la vraie gueule d’un passé pas si lointain, j’en veux un peu à ceux qui étaient aux manettes et qui le sont toujours d’ailleurs et qui s’agrippent, et qui n’ont rien fait ou si peu, et qui ne font toujours pas grand chose, à part brailler de temps en temps qu’ils aiment le photojournalisme tout en te claquant la porte au nez quand tu te ramènes avec un sujet original.
Je suis pas amère, je suis pas blasée, au contraire, bizarrement. Fin 2010 j’aurai 30 ans, mais en 2009, au moins, je sais où je veux aller et à peu près comment m’y rendre, en 2009, au moins, je sais à quoi m’attendre.

Sinon, rien à voir (enfin presque), mais mon nouveau site est en ligne, hop : julietterobert.com

Tiens, pour une fois au lieu de me plaindre, de lire des articles super pessimistes sur le Monde.fr ou de dire du mal d’HCB, on va aller voir ce qui se fait de mieux en photo documentaire sur internet. Oh pas du multimédia comme d’hab, plutôt des sites super variés qui montrent qu’il y a des tonnes d’histoires à raconter, de tonnes de façons différentes et qui donnent envie de s’y coller.

Gaia-photo : C’est un blog photo, à plusieurs mains et un tas d’yeux. Chacun peut proposer des reportages mais la sélection est (assez) draconienne, les reportages sont donc de haute tenue. évidemment, le site ne rémunère rien, mais c’est une belle plateforme d’exposition.

7.7 : Mag en ligne espagnol qui sort des sentiers battus de la photo d’agence. Leur manifeste ? “We don’t care about the photo. We care even less about a photographic project. We care about the stories. And the way of looking at things.”

Burn magazine : lancé David Alan Harvey de Magnum, rien que ça, Burn se veut une plateforme pour photographes émergents. Chacun peut soumettre soit une image seule, soit un essai (qui peut aussi être multimédia). Chaque année, le site offre une bourse de 10000$ à un photographe émergent pour un travail présenté. ça le fait non ? Bon sinon, il y a de toute façon assez d’archives pour s’en prendre plein les yeux.

Verve Photo : Superbe blog photo, pas d’essais complets, mais une photo tous les 2-3 jours, avec le contexte et présentation du photographe. Plein de liens aussi vers les sites des photographes contributeurs, vers des agences, collectifs ou juste sites bien à voir.

Daylight Magazine : Je ne devrais pas le poster ici, vu que c’est principalement un magnifique mag papier. Et je ne devrais pas le poster non plus, parce leurs reportages en ligne sont du multimédia. Mais bon, je le poste quand même.

Lunatic Mag : Mag bi-annuel plein de reportages très variés, créé par Karl Blanchet, membre du collectif Luna. Classe et intéressant.

Blue Eyes Mag : Mag en ligne créé en 2003, son but est de publier du photojournalisme libre et personnel, non publié auparavant. Tout le monde peut soumettre son travail, il n’y a pas de thème donné.

100eyes.org : mag de photojournalisme thématique. Cette fois-ci, c’est le bangladesh. Les reportages présentés sont exceptionnels.

Lens Culture : mag de photo contemporaine, donc pas uniquement documentaire. Et il y a un concours annuel avec plusieurs catégories et des prix en cash. Cette année, la deadline est au 15 septembre.

The 37th Frame : Compile les meilleurs essais et photos publiées sur internet ou dans la presse mag, en offrant un lien vers le site source. Toujours bien pour découvrir de nouveaux reportages.

Chambre Noire : aaaah enfin un site français présenté comme un mag avec de très belles photos. En fait, c’est le site de la coopérative de photographes Chambre Noire et pas un mag. Bon, on va donc faire une exception, parce qu’à part l’oeil du viseur et son concept particulier, des mags français il n’y en a pas des masses. (sinon faudrait que je rajoute tous les collectifs et leurs sites et c’est pas l’objet de ce post)

L’Oeil du Viseur : Bon, L’oeil du viseur justement, pas vraiment un mag mais un projet sur un mois qui présentait des photos racontées par leur auteur. Super intéressant, dommage que ça n’ait duré (pour l’instant ?) qu’un mois.

Vewd : Encore un superbe mag qui met en valeur des travaux peu ou pas publiés auparavant. Fait notoire, les photographes contributeurs reçoivent une partie des recettes publicitaires si leur travail est publié.

Social Documentary : Au moins, le nom annonce la couleur : le site présente des reportages engagés. Chacun peut se créer une galerie et montrer ses travaux, ces mini-sites sont approuvés avant d’être mis en ligne mais la communauté semble plus ouverte que d’autres mags très selects. ça n’empêche que les galeries sont de très belle qualité.

SoPhot : Site français de photo sociale et d’environnement. Vraiment belles galeries (même si les photos sont un peu petites, gné) et ouvert aux contributions.

Enter (Worldpress photo) : Le mag du WorldPress, avec galeries et accès aux archives. Dommage que les photos présentées soient si petites.

Deep Sleep Magazine : Très beau mag trimestriel qui sort en numéros thématiques. On sort du photojournalisme pur pour aller sur des chemins de traverse plus conceptuels ou artistiques, mais il y a de très bonnes histoires. Chacun peut soumettre une contribution sur le thème du prochain numéro, d’ailleurs, les éditeurs encouragent non pas d’envoyer des vieilles photos qui pourraient correspondre, mais de se servir des thèmes pour créer du nouveau. évidemment, c’est pas payé mais ça doit faire des points d’XP ou de karma ou un truc comme ça.

F Stop Mag : Bi-mensuel de photographie contemporaine, chaque numéro a un thème donné. Varié et super intéressant.

ReVue : Webzine français de photo documentaire. Bon, les reportages présentés en “Cartes Blanches” ne marchent pas chez moi. C’est pas de chance.

Flak Photo : mag de photo contemporaine plus que de photojournalisme. Mais très intéressant (je sais pas pourquoi je précise ça vu que si c’était pas intéressant, je ne le posterais pas ici, bref)

Seesaw Mag : Trimestriel thématique créé en 2004. Là aussi, c’est plus de la photo contemporaine que du journalisme. Belles séries également.

Plateform Mag : on s’éloigne toujours de la photo documentaire mais au point où j’en suis…

Purpose Mag : allez, un dernier qui n’est pas de la photo documentaire, mais qui s’intéresse à des thématiques actuelles.

American-journal.org : Focalisé sur les Etats-Unis. Encore peu d’updates et de photos mais il faudra voir la suite…

Photo Betty : Pas mis à jour depuis 2007 on dirait bien. Mais les archives présentent de bons reportages faits par des femmes ou sur des thèmes féminins.

[EDIT] Tiens, on va en ajouter d’autres :

Bite! Magazine : Créé par les anciens de The Black Snapper, mais sur le même concept : diaporamas et note d’intention du photographe. Thèmes très variés, superbes images.

Rapporteurs Photo : blog tenu par deux photographes, qui présentent des photographes et leurs travaux, au gré de leurs trouvailles sur le net.

The Travel Photographer : Blog perso du photographe Tewfic El-Sawi, qui met pas mal en avant des travaux d’autres photographes sur l’Inde et l’Asie.

PrivatePhotojournalism : Et oué, Private n’est pas qu’une superbe revue thématique, ce sont aussi des diaporamas sur leur site.

Foto8 : je ne sais pas pourquoi je n’ai pas parlé de Foto8 plus tôt, vu que leur site est une mine de diaporamas.

VII The Magazine : Le magazine en ligne de l’agence VII, bien fichu et évidemment, photos au top.

Photojournalismlinks : et enfin, le bien nommé Photojournalism Links, qui comme son nom l’indique, poste des liens tous les jours : essais, interviews, sites de photographes, infos etc.

Marrant quand m?me de voir que les webzines français sont plus tournés vers la photo contemporaine/artistique, alors qu’on trouve plein de mags/sites de reportages anglo-saxons. Alors que des webzines français pour parler bites matos, y’en a un tas. En même temps, peut-être que c’est moi qui n’ai pas su trouver de webzines français de reportages.
Si vous avez des ajouts/idées, n’hésitez pas !

Pour continuer avec les polémiques photographiques récentes, j’ai regardé hier l’émission d’Arrêt sur Images sur le bidonnage d’un reportage étudiant primé par Paris Match et le débat que ça soulevé.
Résumé de l’affaire par , en accès gratuit.
(l’émission est mais c’est payant)

Déjà le discours et le débat soulevé par les étudiants est intéressant, on apprend en plus dans l’émission que ce n’est pas particulièrement Paris Match qu’ils voulaient piéger mais plutôt montrer les rouages du discours médiatique et comment la presse est friande d’images qui répondent à certains codes. D’ailleurs, je crois que vu les images, ils auraient pu piéger n’importe quel hebdo qui aurait fait ce genre de concours, elles ne sont pas si racoleuses que ça, ils auraient pu faire bien pire. Par contre, j’avoue ne pas comprendre le déferlement assez haineux envers Paris Match. Je suis pas franchement adepte de ce mag, trop people et oui, trop racoleur aussi parfois. Mais dans certains numéros que j’ai pu feuilleter, il y avait aussi de bons reportages et de bonnes photos. Je sais pas si la presse qui se soucie un tout petit peu de photojournalisme se porte tellement bien qu’on doive rejeter en bloc des mags qui paient encore un peu pour des reportages essentiellement photos.

L’autre point des étudiants était je crois de montrer qu’on ne fait qu’interpréter la réalité, qu’on bidonne son reportage ou qu’on soit honnête et qu’au final, il est très difficile de dire la différence. L’émission essaie assez moyennement d’établir ces limites, entre la réalité interprétée par une mise en scène et le réel interprété sans recréation. Finalement, il n’y a que le photoreporter Patrick Robert sur le plateau qui est vraiment contre l’initiative des étudiants, parce que oui, ça porte le doute sur toutes les photos qu’on voit et ça décrédibilise une profession qui n’avait pas franchement besoin de ça.

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